9 ° Calme chaotique

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Un battement de cil. Ressentit comme durant quelques secondes. Ralenti.

Un temps d'arrêt. Quelques millisecondes seulement. Accéléré.

Et le tonnerre gronde, et la pluie tombe, et les enfants pleurent.

Une lumière. Eblouissante.

Un son. Assourdissant.

Je n'étais pas de ceux qui criaient, plus jeune. J'étais de ceux qui, émerveillés, regardait le monde s'effondrer. Car qu'est-ce que c'était beau de s'imaginer disparaître. Qu'est-ce que c'était apaisant de voir l'énergie électrique nous toucher de plein fouet.

Et la fenêtre frappée par les gouttes d'eau déformait les images de cette scène envoûtante.

Et mon coeur, répondant à mon exaltation, battait plus vite encore, d'un rythme incontrôlablement effréné.

Des frissons parcouraient mon corps, m'imaginant courir dehors. Il aurait été drôle d'aller jouer dans ce pré, dans cette herbe mouillée. Il aurait été amusant d'aller sauter dans les flaques, rouler dans les fossés. Il aurait été tordant de se faire foudroyer dans cet agitation ordonnée.

Du bleu, de l'indigo, du violet.

Du blanc, du gris, du noir.

Les couleurs se mélangeaient dans cette toile qui paraissait irréelle. Et pourtant, elle se dressait devant moi. Un peu plus éclairée à chaque raie lumineuse qui resplendissait dans le ciel bariolé. Quelques nuages se mettaient à clignoter, cachant les explosions de lumières régulières et les explosions de mes émotions étouffées.

Et le souffle du vent remplissait l'instant.
Et le tonnerre qui hurlait éloignait la souffrance.

Comment ignorer ce son exaltant qui semblait recouvrir le monde. Comment oublier la mélodie assourdissante qui nous vrillait les tympans. Comment passer au-dessus de cette musique qui, malgré sa violence, laissait place à tant de douceur.

La pluie a cessé. Le ciel s'est tu. Les nuages se sont immobilisés. La lumière s'est éteinte.

J'ai pleuré.

Je n'ai pas crié durant l'orage, pas un instant.

Pourquoi crier quand quelque chose est si éblouissant ?

J'ai laissé les larmes couler, dévaler mes joues, quand ça s'est terminé.

Je ne voulais pas laisser l'harmonie de mes pensées, la grâce de cette nature, l'art de cet évènement, s'en aller.

Mais je n'avais pas à le regretter. Après tout, c'était trop beau pour être vrai.

Le cri Où les histoires vivent. Découvrez maintenant