Acte I - Scène 3: Dans une union charnelle

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La balade en ville s'était révélée très agréable, le voyage en bateau aussi. Gon était surexcité par tous les bonbons que nous avions grignotés sur le trajet. J'avais tellement l'habitude que je ne sentais plus les effets de la drogue sucrée.

Le bateau accosta à l'île de la Baleine au bout de deux heures de voyage. Gon s'était endormi d'un coup après avoir traversé l'entièreté du vaisseau au pas de course. Je n'avais pas réussi à détacher mes yeux de lui alors qu'il dormait profondément. Son visage était paisible. J'aurais aimé savoir de quoi il rêvait.

L'île était assez grande, majoritairement composée d'une forêt luxuriante. Gon semblait vraiment dans son élément au milieu de la nature. Il prenait de grandes inspirations pour sentir l'air iodé de la mer et du sable brûlant. Il finit par se tourner vers moi, heureux, avant de me faire signe de le suivre. Je devais rencontrer la tante de Gon : Mito. Mon air était impassible, mais j'étais angoissé. Et si elle ne m'aimait pas ?

— Tu verras, tante Mito cuisine vraiment bien. Tu vas te régaler, s'égaillait Gon.

— Quand j'avais 5 ans, j'ai dû survivre seul dans la forêt pendant une semaine. Depuis, je ne suis pas très difficile en ce qui concerne l'alimentation, rétorquai-je en faisant la grimace.

— Waouh ! Et tu as réussi à survivre ?

— Si c'est facile de tuer un homme, tu n'as pas idée pour ce qui est d'un animal.

— Tu es vraiment incroyable, Kirua !

— Arrête, baka ! Tu es embarrassant !

— Pourquoi tu dis ça ? C'est la vérité ! Viens ! Nous allons prendre un raccourci par la forêt, dit-il en me prenant par la main.

Ce geste était innocent de sa part, mais tout se mélangea dans ma tête. J'eus très chaud tout à coup. La sensation de bien-être que Gon diffusait dans tout mon corps depuis notre rencontre devint si intense qu'elle me faisait presque mal. L'amitié, était-ce vraiment si fort ? Je n'avais jamais ressenti de tels sentiments. Je ne parvenais plus à comprendre ce qui se passait en moi.

J'avais sans doute arrêté d'avancer, puisque Gon se tourna vers moi et lâcha mon bras. Son visage avait tourné au cramoisi, sa main était soudain devenue moite. Il s'essuya rapidement sur son veston et avala sa salive.

— C'est... c'est par là, lança-t-il sans plus oser me regarder, la voix tremblante.

Merde.

Qu'est-ce que j'avais fait ? J'avais déconné sur ce coup-là. Je ne voulais surtout pas paraître bizarre avec Gon. L'amitié qu'il me portait était soudainement devenu le plus grand bonheur de ma vie, et si je me comportais bizarrement, je lui ferais peut-être peur.

Le raccourci était magnifique. La forêt devenue très profonde rendait certaines fleurs réfléchissantes. Banales à la lumière, elles resplendissaient dans la nuit.

— Tu sais, Kirua, j'aurais bravé de plus grands dangers encore pour te retrouver, commença Gon. Je t'ai dit à l'examen que tu étais mon ami, et je ne dis pas ce genre de choses à la légère. Quand je suis avec toi, je me sens en paix et en sécurité. Ça me laisse penser que tu es quelqu'un de bien.

— Je ressens la même chose. J'ai envie de rester ami avec toi. Je n'ai pas eu l'occasion de te le prouver et je n'ai pas envie d'avoir à le faire car cela voudra dire que tu es en danger, mais je serais prêt à tout pour te sauver si tu avais un problème.

— Merci, Kirua. Ça compte beaucoup pour moi. On arrive chez tante Mito !

Une modeste bâtisse se profilait effectivement à l'horizon. Du linge flottait dans le vent, étendu sur un fil. Je n'avais aucune idée de ce à quoi ça pouvait servir. Je suivi Gon, qui s'était mis à courir et pénétrais timidement dans le salon. Je n'avais jamais vu ça. C'était une jolie maison, assez petite et bien entretenue, avec des meubles de bonne facture.

C'est donc à ça qu'une maison normale ressemble ? On n'a pas l'impression de se balader dans l'hôtel de Shining?

Après le déjeuner, Gon m'entraîna à l'étage. Il sautait partout, trop heureux de me montrer sa chambre. C'était une petite pièce bien rangée. Rien à voir avec les 30 m² au milieu desquels flottait mon lit à la résidence Zoldick.

Une bataille d'oreillers débuta entre Gon et moi. Je réussi à lui mettre un coup dans le visage, et il finit par y arriver lui aussi. Dans le feu de l'action, je tombais sur lui à la renverse, hilare. Il riait aussi de bon cœur. Nos yeux se croisèrent et le temps sembla s'arrêter. Il avait quelque chose de surnaturel, d'envoûtant. La sensation de chaleur familière que je sentais en sa présence se décupla soudainement. Une raideur bien connue se fit sentir entre mes jambes.

Je bande ? Merde... A tous les coups, il l'a senti.

Je me redressais en vitesse et replaçais subrepticement l'engin de ma honte dans mon pantalon. J'osais à peine le regarder et lui jetais des coups d'œil angoissés, probablement rouge comme rarement auparavant. Son visage ne trahissait rien, mais j'étais convaincu qu'il avait senti mon « problème ».

— Tu veux aller te balader dehors ? me demanda-t-il comme si de rien était.

Il n'avait peut-être rien remarqué au final.

— Oui, bonne idée.

Le coucher de soleil sur la plage de l'île était vraiment superbe. Une lumière rose nous enveloppait. L'odeur de l'océan. Le bruit des vagues. Tout était somptueux de beauté. Presque surnaturel. Un moment hors du temps, féerique. Peut-être était-ce la première fois que nous vivions un tel instant. Peut-être avions-nous toujours été là. L'univers entier semblait être contenu. Là. Entre le ciel, lui et moi.

— Tu sais Kirua, je n'ai jamais eu d'ami avant, alors, tout ça c'est un peu nouveau pour moi.

— Pour moi aussi, tu es mon premier ami Gon.

— Je ne sais pas comment ça se passe normalement, mais je ressens quelque chose de très fort avec toi. Je ne sais pas comment c'est possible, ça me semble un peu extraordinaire.

Hein ?

— Quoi ?! Qu'est-ce qui te prend ?

Qu'est-ce qu'il raconte ? On dirait qu'il décrit mes sentiments à moi... Est-ce qu'il se fout de ma gueule ? Lui aussi il sent que notre relation est un peu étrange ?

— Ce que je veux dire, c'est que je suis vraiment très content de t'avoir rencontré.

Il me prit la main, cette fois-ci sans la lâcher et la serra fort dans les siennes. Mon cœur battait tellement qu'il soulevait légèrement ma poitrine à chaque coup. J'avais du mal à respirer. Il s'approcha encore de moi et me murmura :

— Kirua, tu es vraiment mon meilleur ami.

La sensation de chaleur m'envahit encore. Cette amitié était tout ce que j'avais. Plus de famille. Plus d'objectif. Aucune perspective d'avenir. Juste lui. Mais il était si près de moi que je pouvais sentir son souffle contre mon visage. Avais-je besoin de « plus » ? Après tout, je n'avais jamais eu d'ami avant lui, mes désirs étaient peut-être normaux.

Perdu dans mes pensées, guidé par mes sentiments, je réduisis encore la courte de distance qui nous séparait. Mes lèvres se posèrent doucement sur celles de Gon, presque sans que je le décide. Et sans peur aucune, il répondit à mon baiser.

Envol - Cartographie des Âmes | Tome 1 |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant