Envol - Cartographie des Âmes | Tome 1 |

Acte I - Scène 4: Entre toi, moi et le ciel

 — Kirua, réveille-toi, on va s'entraîner aujourd'hui !

D'abord boudeur à cause des cris tonitruants de Gon à travers la pièce, je me souvins ensuite de la soirée de la veille. Il semblait très déterminé à faire comme si de rien était. Et pour être tout à fait honnête, ça me convenait parfaitement.

Nous nous retrouvâmes sur un grand champ en plein soleil. En général, les entraînements finissaient plutôt en jeu, ça ne durerait probablement pas très longtemps. Le soleil frappait fort. Il faisait très chaud. Ma motivation était basse. Plus vite ça aurait commencé, plus vite ça serait réglé.

Sans prévenir, je m'élançais vers Gon. Malgré tous mes sentiments à son égard, j'étais impitoyable sur le champ de bataille. Même si je cherchais à m'en détacher, mes techniques d'assassin restaient bien ancrées en moi. Il esquiva aisément le coup que je comptais lui asséner à la nuque. Il commençait peut-être à trop s'habituer à moi. J'envisageai de changer mes méthodes de combat pour les prochaines fois, mais à peine avais-je eu le temps de me retourner que je le vis s'apprêter à me donner un coup de pied. Je l'esquivais de justesse et réussis à lui envoyer un coup de poing qu'il para avec son bras. Sa force, sa rapidité accrue. Tout était plus puissant. Plus maîtrisé. Je commençais à être stimulé.

Je l'imitai lorsqu'il recula pour reprendre sa respiration. Il sauta ensuite vers moi avec une rapidité surprenante, mais j'esquivais son coup d'un saut sur le côté et lui retournais dans un seul geste un coup de pied en pleine poitrine.

Touché.

Il se releva d'un bond, plus concentré que jamais. Sûr de moi, je me lançais à nouveau vers lui, réalisant soudain qu'il avait disparu. Un instinct de fauve s'éveilla en moi. Avait-il réussi à copier mes gestes d'assassin rien qu'en m'observant ? Des coups d'œil rapides me permirent de sonder rapidement les alentours. Je me retournais trop tard pour prendre son poing au niveau du ventre.

J'encaissais le coup sans broncher et décidais d'utiliser une de mes méthodes d'assassinat préférée pour voir à quel point il avait évolué. La dernière fois que j'avais utilisé cette technique, je l'avais atteint sans difficulté. Mon corps semblait déjà s'être dédoublé. Bientôt, il ne serait plus incapable de me voir.

Gon réussit pourtant à me suivre des yeux. J'accélérais la cadence et l'attaquai. Il esquiva d'abord un coup, puis un deuxième. Finalement, j'arrivais à l'atteindre à la nuque. Il finit par s'étaler parterre. Il resta étendu au sol sans bouger, en riant de bon cœur. Je m'allongeais à ses côtés, me joignant gaiement à son rire.

A cet instant, j'étais prêt à tout pour prolonger son bonheur.

— 100 pompes pour toi, lui lançai-je de bonne humeur.

Je savourais un jus d'orange en le regardant s'activer sur le sol. Je n'avais plus peur de mes sentiments désormais, j'étais prêt à les assumer pleinement. Ne rien forcer entre nous, c'était le plus important pour moi. Notre relation était la chose la plus précieuse à mes yeux. Pour la préserver, j'aurais bravé n'importe quel danger. Même la mort me semblait peu de choses. Il me semblait que pour le retrouver, je l'avais déjà affrontée des milliers de fois.

Je suis prêt à te donner ma force, mon courage, ma vie.

Parce que je t'aime. Y a-t-il une seule chose plus belle que l'amour ?

Une fois les 100 pompes réalisées, Gon, plein de sueurs, vint se jeter sur moi en riant. Il me fit tomber à terre et m'embrassa à nouveau. Ses lèvres étaient chaudes, ses baisers, passionnés. Et tandis que, fou d'amour pour lui, je répondais ardemment aux désirs brûlants de mon cœur, je ne pouvais m'empêcher de me demander :

Gon... Gon, te rends-tu compte de ce que tu signifies pour moi ?

Espérance et désirs, tout se concentrait sur cet homme qu'il ne comprenait pas bien, vers qui le poussait un sentiment qu'il comprenait moins encore et qui, l'attirant et l'éloignant tour à tour, lui inspirait pour son passé une indifférence absolue.

Anna Karénine, Léon Tolstoï

Fin de l'Acte I.