Bienvenue en Yäellynivhiasige

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Un royaume où les bègues et les dyslexiques sont pendus haut et court sur la place principale de Rhajivikä-Vhal.

Les petits malins du premier rang l'auront compris : aujourd'hui, nous allons parler des noms propres inventés pour vos villes, royaumes, montagnes et ruisseaux que comporte le monde que vous avez créé.

Et tout le monde, y compris les attardés du fond de la classe, aura compris l'axe principal de ce segment : LES NOMS À COUCHER DEHORS, ON LES GARDE POUR LE SCRABBLE (une fausse bonne idée de produit dérivé en lien avec un roman fantasy).

Dans 50% des fictions fantasy (chiffre de l'INSUPP – l'Institut National des Statistiques Un Peu Pétées – retenez ce sigle, il risque de revenir très souvent), on retrouve toute une ribambelle des noms imprononçables. Décryptage d'un phénomène et remèdes à ce mal des auteurs modernes.


Pourquoi ce besoin de partouze de lettres qui ne vont pas ensemble ?

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Pourquoi ce besoin de partouze de lettres qui ne vont pas ensemble ?

Ce n'est pas une question rhétorique. Pour endiguer ce mal, nous devons en comprendre les origines. J'ai donc mené une enquête approfondie dans ma tête avec mon neurone 3 et mon neurone 4 pour essayer de comprendre d'où venait cette tendance (comprenez ici que je n'ai pas de source plus pertinente que ma matière grise – donc pas de source).

Je conçois 3 intérêts majeurs à créer des noms extrêmement complexes pour désigner des lieux dans un monde inventé (si vous en voyez d'autres, faites-nous en part !) :

1. S'assurer de l'unicité des termes créés : "Afrique", c'est déjà pris, en revanche "Priviëlliskaarzak", y'a de fortes chances pour que ce soit inédit.

 S'assurer de l'unicité des termes créés : "Afrique", c'est déjà pris, en revanche "Priviëlliskaarzak", y'a de fortes chances pour que ce soit inédit

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2. Dépayser le lecteur : poser ses valises à Tripoutins-les-canardiers, c'est nettement moins "fantasy-glamour" que de faire arriver ses effets dans la délicieuse bourgade de Harthanckisha. Nouveau monde, nouvelles règles, donc il semble pas déconnant de trouver des noms à la hauteur du voyage qui s'annonce.

3. Mimer les sonorités d'une langue spécifique à votre monde. Non, on ne parle pas français en Yisowustopikà, ça semble évident. Après tout, on est dans un monde inventé, donc nécessairement, on outrepasse de loin le débat pain au chocolat/chocolatine.

Vous sentez déjà les failles de ces arguments ? Allons-y pour leur latter la tronche.


Pourquoi ces arguments sont foireux

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Pourquoi ces arguments sont foireux

1. A priori, si tu inventes des noms de villes/fleuves/montagnes/dispositifs sanitaires ou que sais-je, même en restant sur des sonorités simples, il y a peu de risques que tu retombes systématiquement sur des noms propres existants.

Par ailleurs, même si le nom inventé existe déjà (et fatalement, ça arrive forcément), ce n'est pas bien grave : il y a de fortes chances pour que le nom de ville que vous avez inventé n'évoque rien pour les lecteurs, sans compter que dans de nombreux cas, le nom de bled qui te semblait si inventif n'est en réalité utilisé que comme nom de famille par 4 tondus dans l'est de la France. L'aspect "nouveau" reste entier.

En outre, pas d'inquiétude, les Tripoutinois ne te feront jamais de procès parce que tu as mentionné leur village sans ajouter un énorme disclaimer : "TOUTE RESSEMBLANCE AVEC LA NOBLE VILLE DE TRIPOUTINS EN CHARENTE-MARITIME EST PUREMENT FORTUITE". Il n'existe pas de plagiat sur les noms propres et même concernant les noms de marques, ils peuvent être librement réutilisés dans d'autres contextes, si précisément, c'est fait dans un autre contexte #devientJuristeAvecOlivia.

(Bien évidemment, s'il y a trop de noms propres qui ressemblent ou sont identiques à des noms existants – par exemple, si le chevalier Tyrion Lannister se marie avec une bergère nommée Daenerys, qui a un caniche nommé Drogon, et que le roi Jon Snow s'y oppose –, là, vous risquez d'avoir des soucis).

(pour info, Tripoutins, a priori, ça n'existe pas. Quand ton ami Google te sort en première page le Dictionnaire languedocien-françois, globalement, tu sais que tu tiens quelque chose d'inédit).

2. Dépayser le lecteur, c'est bien, mais on lui fait pas goûter une tranche de rognon de dromadaire crue dès son arrivée dans ce nouveau monde : dépayser rime avec subtilité, pas avec "crise d'épilepsie dans 3, 2, 1... CONVULSEZ !". En clair : nul besoin d'en faire des caisses pour faire comprendre au lecteur qu'il n'est pas dans son monde habituel (à moins que votre lectorat soit particulièrement limité, auquel cas je vous plains et vous conseille de refermer cet ouvrage, qui ne vous apportera qu'incompréhension et souffrance).

3. "Qui dit langue différente dit noms propres différents". Oui et non. Oui, si on parlait votre langue, ça aurait du sens, mais évidemment, votre roman, vous ne l'écrivez pas (principalement) dans votre langue inventée, mais probablement en français (ou autre langue existante, essayez pas de jouer au plus malin). Or, si "España" est un pays, en français, on parle pourtant d'"Espagne", avec un bon vieux "gne" à la française. La logique voudrait donc que vous traduisiez votre "Ällaharrkaniah" en "Alarcanie", par exemple.

En somme, vous pouvez très bien choisir d'essayer de caser 150 points au scrabble pour chaque flaque d'eau de votre monde, mais si vous le faites, ce serait pas mal d'avoir une bonne raison à ça.


Choisir des noms simples, c'est cool pour plusieurs raisons, mais la première est sans nul doute que ça permet à vos lecteurs de lire véritablement vos noms de villes and co (et pas juste de les reconnaître visuellement sans savoir les prononcer à l'oral).

Vous me direz, bande de sacripants, "Oui mais mon roman fantasy avec 50 nuances de scènes de cul, personne va le lire à voix haute" (et encore moins le lire à ses enfants, j'en conviens fort bien).

Cependant, savoir prononcer un mot est un sacré plus pour le retenir (du moins moi, ça m'aide). Or, la mémorisation, c'est un enjeu capital pour un roman et encore plus lorsqu'il s'agit de fantasy, qui est un genre assez exigeant en la matière (et je ne justifierai pas davantage cet argument ici, histoire de ne pas trop diverger, mais je lui consacrerai probablement un segment pour lui tout seul).

Concluons ce segment par le commandement suivant : les noms pourraves, tu éviteras. VRAIMENT. Vous n'imaginez pas les générations de lecteurs non-traumatisés qui vont vous remercier.

"Bien gentil tout ça, mais je fais comment moi, pour pondre des noms propres potables ?"

Lis le segment suivant. À l'origine, je comptais le caser ici même, mais ça devenait vraiment trop long et je sais combien les gens sont paresseux, par ici. Donc si tu veux quelques tuyaux persos, c'est par ici ! (non regarde pas mon doigt, regarde dans la direction indiquée... bon sang...)

Écrire de la fantasy comme G.R.R. MartinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant