Chapitre 1

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Alanna.

Aujourd'hui.


Je voudrais être morte.

Des images de chairs brûlées et d'os calcinés se combinèrent à celles des hautes flammes qui ravageaient la maison de mon enfance. Mon esprit déroulait en continu un canevas de visions monstrueuses, plus insoutenables les unes que les autres. Des hurlements imaginaires résonnaient dans ma tête. Des flashs du corps de mes parents en train de brûler vifs se succédaient devant mes yeux. J'étais incapable de les arrêter. J'essayais de me représenter la sensation de souffrance intolérable que devait provoquer la morsure du feu. Un malaise horrible me paralysait. J'avais l'impression de suffoquer lentement alors que l'adrénaline me rongeait comme un acide.

La culpabilité m'asphyxiait.

Elle me dévorait.

Je suis responsable.

Cette pensée tourna en boucle dans ma tête, m'entraînant dans une agonie oppressante. Un sanglot étouffé s'étrangla dans ma poitrine. Le visage de ma mère m'apparut, doux et serein, puis il se liquéfia inexorablement comme une photo fondant sous l'effet d'une chaleur intense. Celui de mon père lui succéda, vacilla, son sourire se transformant peu à peu en une grimace horrifiée. La culpabilité se déploya un peu plus : depuis ma renaissance, j'avais si peu profité de leur présence, m'apitoyant sur mon sort, cherchant une échappatoire, aveugle et sourde au reste de ce qui n'était pas lié à ma destinée.

Maintenant, c'est trop tard.

Trop tard!

Trop tard!

Les voix commencèrent à murmurer à mon oreille.

La ferme!

Le silence se fit brutalement.

Je me fustigeai : il était vain de regretter. Je voulais disparaître. Je voulais brûler. Je désirais marcher jusqu'au brasier pour le laisser me dévorer. Je souhaitais la douleur avec une ferveur de plus en plus poignante. Je ne pouvais pas remonter le temps pour les retrouver alors je devais subir le même sort.

Est-ce que je peux mourir, au moins?

Je n'en savais rien ! Une vague de dégoût me submergea. Je me vomissais. Un hurlement s'échappa de ma gorge. J'avais cru être prête à souffrir, mais rien n'était plus éloigné de cette réalité. Rien ne préparait quelqu'un à regarder sa raison de vivre s'envoler en poussière.

Je suis responsable.

Je restai immobile, anéantie, incapable de lâcher des yeux le petit cottage en feu. La douleur dans ma poitrine m'empêchait de respirer. Mon corps tremblait, sous le choc. J'avais envie de crier que j'étais désolée, mais je ne pouvais plus articuler un son. Je n'avais pensé qu'à fuir, à m'échapper de cette cage, à m'extirper de ce destin qui m'écrasait. Je les avais abandonnés, leur distribuant des miettes de mon temps, les excluant de ma vie, soi-disant pour les préserver ! Maintenant que leurs chairs avaient été ravagées et que j'avais échoué à les protéger, comment allais-je pouvoir vivre avec ce poids ?

— Alanna.

La voix grave interrompit le fil de mes idées malsaines. Elle résonna derrière moi, troublant le tsunami émotionnel qui était à deux doigts de me faire sombrer. Une vague de colère enfla : je voulais qu'on me laisse tranquille ! Je voulais qu'on m'arrache le cœur et qu'on broie mes souvenirs pour qu'il ne reste rien de moi ! Je tournai lentement la tête vers l'inconnu, prête à le détruire et à déverser ma fureur sur lui.

Les Gardiens d'Apophis tome 2: Résilience (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant