Les Gardiens d'Apophis tome 2: Résilience (édité)

Chapitre 9

Le lendemain matin, je regardai la ville défiler tandis que nous roulions vers une destination inconnue. Les rues se succédaient avec leur lot de passants, de véhicules et de sons urbains. C'était un environnement à la fois similaire à celui de Londres, et en même temps complètement différent. Les chaussées étaient tapissées de neige. Son manteau blanc recouvrait tout. Il apportait une nuance de pureté au décor. C'était un spectacle magnifique que je contemplai avec émotion. J'étais dehors, dans la vraie vie. Des hommes et des femmes déambulaient, vaquaient à leurs occupations malgré les flocons qui tombaient paresseusement. Des gens promenaient leur chien, une jeune fille sortait d'un magasin avec un sac de courses dans les bras... la normalité dans toute sa splendeur, alors que le monde était en train de basculer un peu partout dans le chaos. Un instant, je me laissai bercer par ce moment, oublieuse de tout ce qui n'était pas ici et maintenant.

Nous quittâmes bientôt l'agglomération. Calgary était une ville extrêmement vivante de la province canadienne de l'Alberta, à environ quatre-vingts kilomètres à l'Est des montagnes Rocheuses, le lieu vers lequel nous nous dirigions. Je savais que les Rocheuses canadiennes s'étendaient sur mille deux cents kilomètres, de la frontière entre le Canada et les États-Unis jusqu'à la plaine de la rivière Liard, en Colombie-Britannique.

Elles constituaient un espace naturel très vaste que les métamorphes occupaient depuis plusieurs siècles, le versant canadien étant régi par les métamorphes lupins, et celui des États-Unis par les félins. Les sites comme Yellowstone, Yosemite, le Grand Canyon et d'autres parcs du même acabit étaient peuplés par différentes espèces, parmi lesquelles on dénombrait des ours, des lynx et autres bébêtes en tout genre. Il n'était pas anormal de trouver des colonies hétéroclites regroupant plusieurs races, leurs membres ayant appris à cohabiter et à faire passer les intérêts des changelings avant les réflexes de souveraineté de chacun.

Tout comme les sorceris, les métamorphes s'étaient rassemblés et avaient formé un conseil où siégeaient leurs représentants. Pourtant, là où les sorciers connaissaient des dissensions permanentes et souvent souterraines, les muteurs avaient réussi à créer une véritable unité qui reposait sur le respect et la communion de ses affiliés. Les loups-garous avaient également été intégrés à ce processus, ce qui n'était pas une mince affaire vu leur réputation.

Les zones animae, sur lesquelles vivaient tous les êtres ayant la capacité de prendre une forme animale, quelle qu'elle soit, étaient considérées légalement comme des lieux protégés où la nature était toute puissante. Les humains n'y étaient acceptés que dans certaines conditions et dans des espaces réservés. Le reste était interdit d'accès même pour les autres espèces magiques. Enfreindre cette loi, c'était se confronter à de sérieux problèmes. Contrairement aux idées transmises dans les romans traitant des métamorphes, les muteurs étaient des êtres d'une grande sauvagerie.

Quelqu'un me toucha l'épaule. Je tournai la tête pour dévisager Alisha. Son visage fatigué m'émut. Son regard n'était pas aussi vivant que d'habitude. Son étincelle s'était ternie depuis que nous avions vu les actualités du soir. Même Brennan avait bien fait attention de ne plus allumer la télévision ni la radio pour éviter de nous plomber davantage le moral. Nous étions tous sous le choc de ce qu'il s'était passé. Mon évasion avait été une réussite, mais le prix à payer avait été conséquent.

Est-ce que j'en vaux la peine ?

— Ça va ? me questionna Alisha.

— Oui, murmurai-je en me mettant une claque mentale pour abandonner mes idées noires.

Elle ne s'offusqua pas de ma réponse brève et continua :

— Nous nous rendons au parc national de Jasper, en plein cœur des Rocheuses. Nous serons sur place d'ici quatre heures, maximum. Tu veux un peu de musique ?