Alistair.
Il pénétra dans la chambre et marcha jusqu'à un fauteuil où il se laissa tomber avec lassitude. Il n'accorda pas un regard à la décoration des lieux, trop préoccupé par les informations relayées par les journalistes. Les scènes de Londres lui rappelaient trop celles qu'il avait vécues pendant l'épidémie de zombies, en 1854. Cet épisode traumatisant ne s'effacerait jamais, tout comme la nuit où il avait été transformé.
Ces visions cauchemaresques le perturbaient, lui remémorant celles de ceux qui couraient alors dans les rues, se bousculant les uns les autres, s'écroulant sur la chaussée, se piétinant sans pitié pour essayer de fuir et de survivre. Il se souvenait, comme si c'était hier des cris et des hurlements, les mêmes que ceux qu'il avait entendus la veille, au cœur de la City.
À ce moment-là, il avait beau avoir dissimulé ses émotions, il avait été aussi perdu qu'Alanna en assistant au chaos que semait la horde sur son passage. Il avait eu cette même sensation d'égarement que lorsqu'il était humain, la scène trouvant un écho troublant dans ses tripes. Malgré les décennies, il se souvenait comme si c'était hier de ceux qui avançaient, imperturbables, attaquant, dévorant et déchiquetant la chair des vivants avec une volupté morbide.
Prenant sa tête entre ses mains, il essaya de chasser la culpabilité et les images qui défilaient inlassablement dans son esprit. Il était à l'origine de ces monstres qui avaient décimé Londres. Il avait beau savoir que sa mort n'aurait rien changé, il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir responsable de ce drame. Si Sehen ne l'avait pas utilisé pour créer ces zombies, il aurait trouvé une autre solution. Une vague de haine envers le vampire le submergea et il résista difficilement à l'envie de se laisser aller et de détruire quelque chose, n'importe quoi, pour passer sa frustration.
Il se doutait depuis longtemps que le maître-vampire tramait quelque chose. Depuis que Sehen avait été évincé par Imriel, il rongeait son frein et attendait son heure. Alistair devait avouer que le vampire avait joué ses pions en vrai stratège. Il n'avait pas vu les coups venir, trop occupé à organiser l'évasion d'Alanna.
Les évènements auraient pu tourner de manière dramatique si Brennan et lui n'avaient pas prévu sa fuite de longue date. Ils étaient prêts depuis des mois, mais ils guettaient le bon moment pour lancer l'offensive. Pourtant, jamais Alistair n'aurait cru que l'étincelle émanerait d'Imriel. Il n'aurait jamais soupçonné que le gardien puisse perdre la raison au point de mettre la jeune femme en danger. Al pensait pouvoir compter sur son amour pour elle. Malheureusement, l'incapacité d'Imriel à gérer ses sentiments l'avait conduit à des choix inacceptables.
Une nouvelle fois, Alistair fut tiraillé par les remords : il avait encouragé cette passion, cherchant à profiter de ce point faible pour le tourner à leur avantage. Résultat : cela avait été une catastrophe à tous les niveaux.
Il s'appuya contre le dossier du fauteuil et ferma un instant les yeux, essayant de retrouver un soupçon de sérénité. Il fallait qu'il se focalise sur le bénéfice de leurs actions : Alanna était libre, en sécurité, et c'était leur objectif principal. Les pertes collatérales étaient un tribut lourd à payer pour la survie du plus grand nombre, mais il était nécessaire. Même si cette idée ne lui apportait aucun réconfort, il devait se réjouir de l'avoir délivrée.
VOUS LISEZ
Les Gardiens d'Apophis tome 2: Résilience (édité)
VampirosDans le jeu des apparences, chacun porte un masque. XXIe siècle. Londres. Alanna s'est enfin libérée de la tyrannie de Sehen et s'est soustraite à l'emprise des gardiens d'Apophis. Lorsqu'elle fuit aussi loin que possible et qu'elle se cache auprès...