Chapitre 1 - Palil Danmius

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Palil circulait à grandes enjambées parmi la foule, le long des allées ombragées par des grappes de palmiers. Elle avait rabattu son capuchon sur ses boucles noires et s'appliquait à ne pas perdre de vue ses cousins germains Jalil et Tylal dans les rues combles d'Aadra. Tous trois venaient de s'échapper de l'office hebdomadaire tenu dans le temple érigé en l'honneur d'un ancêtre Danmius. Son père Odvas risquait de lui passer un savon. Qu'importe, elle s'amusait bien davantage à l'extérieur qu'assise dans l'obscurité du prieuré à écouter les litanies du saint-prêcheur. Entraînée par Jalil et son petit frère Tylal, elle avait échappé à la vigilance de ses parents et se dirigeait à présent vers les bazars spécialisés dans la vente de fruits de saison.

Dès l'aube de la journée commerçante chère aux habitants, les étals investissaient les pavés de leurs couleurs chatoyantes. Les marchands exposaient sur leur stand des poteries d'argile, des tapis de satin, des draperies, des dagues, des amphores emplies de victuailles, eau, liqueurs, bijoux, bibelots, toutes sortes de produits qui pouvaient susciter la convoitise des badauds. Les pièces de monnaie volaient de mains en mains au fil de négociations plus ou moins tendues selon les tranches tarifaires. Le ton montait parfois en fonction de la rareté des denrées.

— Moins vite, les garçons, implora Palil en contournant un couple offusqué qu'elle bouscula sans s'excuser.

Jalil fit une embardée vers une table nappée d'agrumes odorants. Les trois fuyards se nichèrent en-dessous, recroquevillés dans la pénombre d'une toile déployée.

— Déjà fatigués ? ironisa Jalil en voyant ses acolytes reprendre leur souffle.

— Ralentis la prochaine fois, lui reprocha Palil en le fusillant du regard. Je suis petite, moi.

— Qu'est-ce qu'on peut choper, là ? s'enquit Tylal, sur le qui-vive.

— Des salaks, répondit Jalil avec un sourire carnassier.

Il leur fit signe d'avancer accroupi sous les tréteaux accueillant les marchandises. Les voilures abritaient les rayonnages sous un espace confiné offrant des caches propices au vol à l'étalage. Il suffisait d'agir promptement pour subtiliser un article.

Palil raffolait des salaks, ces drupes poussant sur des tiges épineuses cultivées sous serre dans les vergers d'Aadra. Des rigoles souterraines détournées depuis les cours d'eau du pays limitrophe assuraient l'irrigation des cultures. Les périodes de sécheresse subies par les anciens ne se reproduisaient plus depuis l'accord météorologique signé avec les urys : des nuages programmés se massaient sur Aadra lors du jour de la pluie.

— Les réserves de salaks sont entassées là, précisa Jalil en pointant du doigt un cageot plongé dans l'ombre des tentures, à l'abri des regards. Faites les guets.

— Et pourquoi c'est toi qui prends le risque ? intervint Palil, lassée de subir le second rôle.

— Tu es la plus jeune. Tu obéis.

— N'importe quoi, c'est surtout moi la plus agile.

Tylal les intima au silence. Ils demeurèrent tapis sous leur cachette tandis qu'un homme venait récupérer une caissette de volailles plumées. La voix tonitruante d'un client leur offrait une belle couverture sonore. Quand la menace se fut éloignée, Palil s'élança vers les salaks. Elle entendit Jalil étouffer un juron, retenu par son frère. L'arôme sucré des fruits conquit les narines de Palil ; elle en vint à contenir sa respiration pour éviter de soupirer d'aise. De ses mains maladroites, elle attrapa trois salaks aussi gros que ses paumes, qu'elle envoya en direction de Jalil et Tylal.

Le dernier fruit leur échappa. Il roula sous les présentoirs jusqu'aux pieds du marchand.

— Repli ! lança Jalil sans demander son reste.

Le Cycle Séraphique - Prélude /COMPLETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant