Chapitre 5 - La bénédiction

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Le lendemain matin, Palil fut tirée de son sommeil par un hurlement. L'espace d'un instant, elle crut qu'elle était de retour au chaud dans sa chambre capitonnée du palais d'Aadra. Mais l'illusion eut tôt fait de se dissiper lorsqu'elle découvrit l'état déplorable de la pièce. Elle s'apparentait d'ailleurs plus à une cave qu'une chambre. Un champ de couteaux était suspendu aux poutres enchevêtrées par des cordelettes usagées. Le toit de ce qu'il semblait être une hutte n'était qu'un assemblage grossier de planches sur lesquelles reposait une couche de chaume. Palil se demanda distraitement si la structure supporterait une forte pression contre l'un de ses murs tachés de sang ; la présence des couteaux la dissuada de toucher quoi que ce soit. De nombreuses cages vides étaient empilées à proximité de l'entrée. Le sol terreux exhalait une odeur d'humidité nauséeuse.

Un rouleau avait été déroulé autour de son crâne pour panser ses blessures. Elle tâta différentes sections de son cuir chevelu, inquiète, avant de se considérer apte à affronter son nouvel environnement.

Une autre protestation lui parvint. Les Kayham subissaient-ils une attaque extérieure ?

« Ce sont des sauvages. Ils doivent passer leur temps à se battre. J'espère qu'ils ne m'obligeront pas à faire comme eux. Je dois vite sortir d'ici. »

Elle se leva avec précaution sans quitter les couteaux des yeux. Si jamais l'un d'eux se décrochait... Elle ne saisissait pas l'intérêt de prendre ces risques inutiles. Certes, ces lames faisaient partie du folklore de la tribu, mais était-il nécessaire de les exposer ainsi en hauteur, au risque de se faire à tout moment poignarder ?

Palil faillit émettre un cri de stupeur en remarquant ce qui lui avait tenu lieu de matelas : une monstrueuse peau de bête dont la tête avait été parfaitement conservée, jusqu'aux canines acérées de son impressionnante mâchoire. Elle s'empressa d'enfiler ses chaussettes et souliers secs puis alla écarter le rideau de perles faisant office de porte. En traversant un couloir éclairé par deux flambeaux, elle reconnut la voix de celui qui hurlait à la mort. C'était Acide, son unique connaissance.

La veille au soir, Palil avait effectué un rapide tour d'horizon du village des Kayham, enfoui dans une caverne naturelle. Le chagrin l'avait rattrapée quand elle avait croisé Trapp, une jeune fille au regard vert émeraude pareil à celui de sa mère Nilys. Malgré leurs efforts combinés, les Kayham avaient échoué à la réconforter ; assommée par le contrecoup du voyage, Palil avait versé des litres de larmes. La fatigue avait ensuite dû l'achever car elle ne se souvenait pas d'avoir été transportée dans ce refuge inhospitalier.

Elle repoussa un deuxième panneau de perles pour déboucher dans la pièce principale. Les Kayham étaient réunis en cercle autour d'une marmite bouillonnante, assis à même le sol et munis de grosses louches. À première vue, Palil estima qu'il y avait une parfaite mixité. D'un même mouvement, tous se tournèrent dans sa direction.

Palil se figea sur le seuil. Acide poussa une troisième plainte sous le regard inquisiteur des femmes assises à ses côtés. Paon, le doyen à moitié sourd, convia Palil à se joindre à... à quoi d'ailleurs ? Ce spectacle ? Cette cérémonie ?

La curiosité l'empêcha de refuser.

« Je suis trop faible pour repartir seule. Je vais devoir m'habituer à leurs jeux. »

— Vous attendez quelque chose ? s'enquit-elle d'une voix impertinente.

Elle s'assit en tailleur près de Paon et le regretta aussitôt : sa peau exhalait une odeur de transpiration.

— N'aie rien à craindre, petite Palil, c'est le rituel. Chaque matin est désigné par les premiers rayons du soleil celui qui prépare la marmite pour le peuple. Aujourd'hui, le nom d'Acide a été illuminé sur notre paroi d'appel.

Le Cycle Séraphique - Prélude /COMPLETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant