De l'argent, j'en ai abondamment et cela depuis que je suis enfant. Mes parents avaient su faire quelques bons investissements qui m'ont toujours assuré de vivre confortablement. Je suis donc un rentier, incontestablement, et je ne suis pas à plaindre en comparaison de tous ces gens qui travaillent si durement sans pour autant que leur abnégation ne leur permettent d'envisager l'avenir sereinement. On me dit souvent que je suis riche parce-que je suis méritant mais moi je ne vois pas vraiment ce que vient faire le mérite là-dedans.
Je suis sans doute un pur produit de ce monde élitiste et pourtant si je devais coucher ne serait-ce qu'un vœu sur une liste ce serait celui d’être moins riche mais plus altruiste de telle sorte à m'ouvrir d'autres pistes pour que ma vie soit enfin un peu moins triste.
L'argent ne fait pas le bonheur, dit-on. Et il suffit de se pencher un instant sur ma situation pour comprendre que ce dicton n'est fondé sur rien d'autre que la raison.
Je suis inondé de messages de ma banque mais je n'ai personne à qui dire qu'elle me manque. Je passe mes jours au bureau à chercher comment payer moins d’impôts et mes nuits à fustiger papa et maman d’être partis si tôt et de m'avoir laissé un si lourd fardeau. Ma vie me donne l'impression d’être un film de cinéma dans lequel je suis un acteur qui s’efforce d’être toujours celui que les gens veulent que je sois au point de ne même plus savoir qui je suis moi.
Parfois, je me sens comme un lion en cage mais en sortir de cette cage me semble être un défi plus difficile encore que de traverser l’Atlantique à la nage. Je pensais donc rester à jamais prisonnier de cette rage qui causait dans mon esprit tant de ravages et me faisait craindre à tout instant le naufrage. Mais le hasard de la vie a fini par me guider jusqu'au rivage.
Un matin, en allant prendre un train, j'ai croisé sur mon chemin un homme prostré dans un coin avec pour seule compagnie celle de son chien. Tous les deux avaient faim. Mon premier réflexe fut de lui glisser une pièce dans la main ce à quoi l'homme n'a répondu que d'un sourire vain. Et puis une idée m’a parcouru soudain. Si, plutôt que de consacrer ma vie à ne défendre aucun autre intérêt que le mien, je dépensais mon argent pour aider ceux qui en avaient vraiment besoin.
Alors j'ai vendu ma société qui n'avait plus rien de familiale car soumise depuis trop longtemps déjà aux excès du capital et j’ai investi dans un local où j'ai voué tout mon temps à faire que des gens vivent moins mal.
Peu après, l'homme de la gare a trouvé un toit et ainsi lui et son chien ont cessé d'avoir froid. Une fois, il m'a dit que c’était grâce à moi et m'a remercié d’avoir su apaiser quelques peu son désarroi. Ce qu'il ne savait pas, c’était qu'il en avait fait autant pour moi car notre rencontre avait changé mon existence autrefois morne et faite d'interminables silences en une vie enfin pleine de sens.
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Les Chroniques "un point c'est tout."
Short StoryUn recueil d'histoires qui traitent de rêve, d'espoir, de pouvoir, de joies, de peines, d'argent, de bons ou de moins bons sentiments et beaucoup d'amour aussi... Bref, des histoires sur tout ce qui fait la vie à lire en une à deux minutes, parfois...