Chapitre 2

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( Severus)

" Tout d'abord, tu dois savoir que tu n'es pas ici pour rien. Si tu as pu trouver ce passage secret, c'est pour une raison particulière. Tu es particulier. Tu as le don, qui fait de toi une personne rare et très recherchée. Tu as été choisi par la porte. Ce n'est pas le hasard. Rien n'est laissé au hasard ici, crois moi. Je sais que tout cela doit être dur à assimiler pour toi après tout ce que tu as vécu. Mais je te demande de comprendre une dernière chose. Surtout, reste calme, ne te bas pas, ne fuis pas, toutes tentatives seraient vaines. Tu es dans un autre monde. Ici, il n'y a que des portes d'entrée, pas de sorties. Vois-tu où je veux en venir? Le choc vas être rude pour toi, je comprends, mais sache que maintenant que tu es ici, tu ne pourras plus jamais retourner là d'où tu viens. Il n'existe pas de sorties, tu ne pourras pas faire demi-tour. Tu dois maintenant dire adieu à ton ancienne vie, et ouvrir ton esprit aux perspectives d'avenir que tu découvriras ici. Je vais te laisser un peu seul, le temps que tu assimiles tout ce que je viens de te dire, le temps de dire adieu à ton enfance tranquille et de rentrer pleinement dans ce nouveau monde plein de surprises, dans ce monde qui est le mien et maintenant le tien. Je reviendrai plus tard pour t'expliquer quelques détails."

Il se leva et sortit lentement de la chambre, en me lançant un dernier regard, lourd de sous entendus. La porte se referma toute seule, sans un bruit, sans un grincement. Pas comme la porte de ma chambre, la porte qui relie mon petit univers à moi, tout douillet, au reste du monde. Ces pensées me replongent dans mes souvenirs, et me rappellent ce qui m'est arrivé. Tous ces petits plaisirs sont bien loin désormais. Dire que je ne reverrai jamais ma famille. Je n'arrive pas à me faire à cette idée. Être définitivement coupé du monde, c'est une chose difficile à concevoir pour quelqu'un de mon âge.

Je n'ai qu'une envie, me réveiller, car il m'apparaît maintenant que toute cette histoire ne peut être qu'un rêve, encore une invention de mon cerveau extravagant. Depuis tout petit, j'ai toujours été considéré comme un garçon étrange, et mes parents m'avaient un jours expliqué que c'était à cause de mon imagination débordante et de mon esprit parfois un peu farfelu. Ce jour là, ils étaient assis à table, blottis les uns contres les autres, en face de moi, la tête baissée et l'air grave. Je ne comprenais pas trop ce qui se passait, mes parents étaient toujours si joyeux et si souriants. Ils reflétaient à chaque instant un sincère bonheur et une joie de vivre jamais ternie. Ils m'avaient dit que si les gens me regardaient bizarrement, et quelques fois en rigolant, c'était seulement parce que j'étais un peu différent des autres petits garçons . Je n'ai que de vagues souvenirs de mon jeune âge.  Il paraît que j'étais souvent dans les nuages, l'esprit au loin, perdu dans mes pensées. Mais moi je ne me souviens pas de ça, je ne me souviens pas d'être resté assis pendant des heures à regarder la pluie tomber par la fenêtre. Moi, je me souviens de longues cavalcades dans de vertes prairies, d'escapades magnifiques dans des lagons perdus, de voyages dans des vallées oubliées. Mon enfance n'est pour moi qu'un rêve fantastique : mon univers à moi, où tout existe pour faire sourire, où tout est beau. Mais personne ne me comprend, personne ne comprend mon envie de m'évader dans mon monde merveilleux. Je ne l'ai jamais montré à personne, car les gens à qui j'en parle ne me croient pas,  je sais alors qu'ils ne sont pas dignes de ma confiance,  je sais alors que je ne dois pas partager mon secret avec eux.
Si, j'en ai parlé une fois. J'ai fait découvrir, une fois, mon univers et ses fascinants paysages. J'ai révélé, une fois, mon intime secret. J'ai dévoilé, une fois, mon âme. C'était un beau jour. Je me rappelle seulement du ciel bleu et du soleil. Il y avait une fille. Il y avait du vent. Et des cheveux, blonds, comme les rayons du soleil, qui flottaient dans le vent, ondulants au gré du souffle, chatoyant... Je me rappelle aussi son doux visage, enfantin, pâle, aux pommettes  légèrement rosées. Elle était simple, et sa simplicité la rendait à mes yeux la plus belle des créatures au monde. Elle rivalisait dans mon cœur avec la beauté de mon royaume. Dès le premier regard que je portai à cette déesse, je sus qu'elle était digne de partager avec moi le secret de mon univers parfait. Elle s'accordait avec lui, elle était faite pour lui. Je m'approchai donc d'elle et, délicatement, de peur de la lui briser, tellement elle avait l'air fragile, je lui pris la main pour l'emmener dans le plus beau des voyages. La sensation que me procura cet acte fit exploser en moi un tourbillon de bonheur. Ce fut le meilleur moment de ma courte vie. Mais hélas, il fut court. Il dura quelques heures, quelques heures passées ensemble, à gambader gaiement dans les vertes prairies en fleurs. Elle, dans sa robe blanche, riant et courant, joyeuse. Et moi, assis dans l'herbe verte, la tête tournée vers le ciel, béat d'admiration devant elle, parfaite. C'était pour moi la plus belle des fleurs. Mais toutes joies est éphémères, car une fois cette journée terminée, une fois rappelé dans le monde des vivants, je découvris allongée à côté de moi, le corps sans vie de la petite fille de mes rêves. Comme en transe, ne réalisant pas ce que l'absence de vie signifiait, j'approchai ma main de ce visage pur, et, doucement, laissai mes doigts courir sur la peau douce et rose, déjà refroidie par le souffle de la mort.

Le Livre MauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant