Sélène plonge dans le silence. Un mutisme conciliant se mit à ronronner. Il est de ceux qui apaisent toute névropathie. Et pourtant, le Passereau se mit à lancer dans l'eau les germes de ses affres indigentes.
« — Pourquoi te lamentes-tu, petit Oiseau ? »
Sélène l'a interrogé doucement, du bout des lèvres, comme si elle n'était pas coupable de ces angoisses naissantes.
« — Certes, l'homme t'a condamné à voyager hors de ses terres, à n'être qu'éphémère. Mais, pourquoi tes sourires tombent-ils un par un, pourquoi ton rire plonge et crie ce matin ? Qui t'anime de ses sanglots ? Qui ose bannir de tes pensées le sage et glorieux venin rougeâtre qui anime ton coeur ? Ton suaire s'ouvrira sur la peine qui gravite et s'immisce, vicieuse, dans tes pores silencieux. »
Elle s'arrête, ses mots suspendus dans l'air frais du soir, lentement animée d'un sentiment nouveau qu'elle prit le temps de délecter. Un sourire aux lèvres, Sélène se tourne de nouveau vers l'Oisillon.
« — Pourquoi ce soudain revirement ? »
Le Passereau baisse piteusement la tête.
Sélène le regarde, de son air hautain. L'impatience se lit sur son visage.
« — Bien. »
Elle survole le monde en le saupoudrant de sa misère, recherchant la vérité dans ces abysses impénétrables, quitte à broyer les êtres qui y vivent. Comme l'aquilon, les sentiments nous prennent violemment à la gorge.
« — Partageons cette douleur. »
Le coeur d'Hélène se serre, étouffé par des émotions brutales. Sa respiration devient sifflante, et elle se mit à composer une partition dans l'air frais de la fin d'après-midi.
L'Atride s'empresse alors de continuer l'oraison funèbre:
« — Dis-moi ce qui ne va pas ? Dis-moi la rose qui te blesse, qui fleurit, arrache et détruit les parcelles de ton pauvre coeur ? »
Sélène se rapproche délicatement de la jeune pouce, se délectant de ses émois.
« — Si sensible, si malheureux... De tels sentiments dans un si petit animal. »
Subitement, les commissures de ses lèvres s'étirent de plaisir tandis que celles d'Hélène, déchirée, s'affaissent.
Dans un soupir, Sélène se rallonge près de l'Oiseau, comme soulagée.
« — Parle-moi donc de ces cailloux qui se forment dans ta mémoire, de ces feuilles qui brûlent et meurent, reprend-t-elle. Explique-moi ce cri ardent en ton sein. »
Elle marque une pause.
« — Raconte-moi les sourires qui s'effacent et les pleures tortionnaires. »
Le Passereau est immobile, tel une pierre meurtrie par le temps. Sélène, insatiable, le regarde, l'observe, disséquant de son regard l'objet de ses désires. Progressivement, les mots de Sélène sont remplacés par l'échos des vagues.
« — Pourquoi ne réponds-tu pas ? » fit-elle d'un ton calme.
L'Oisillon la regarde de ses yeux ronds. Le monde et ses complexités restent étrangers à Sélène.
« — Parle ! »
Dans un élan désespéré, sa voix se brise et son poing heurte l'une des lattes en bois du ponton. Le coeur de Sélène palpite. Elle voudrait retrouver ce qu'elle avait perdu : son humanité, sa transparence et l'authenticité de son esprit.
« — S'il te plait... Conte-moi tes années saines et tes heures sombres. »
Le Passereau n'a plus de langue.
« — Dis-moi, supplie-t-elle, la différence entre l'azalée et nous ? La fée et le serpent ? L'aurore et le crépuscule ? »
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Mon Yakamoz
Nouvelles⚠️ Cette histoire parle de TS en prose ⚠️ "J'aimerais te regarder d'en haut" . Hélène est une jeune fille réservée dont la vie tourmentée inquiète grandement sa mère. Alors qu'elle décide d'attenter à sa propre vie, passant le pas vers son propre m...