Sélène - VI

97 57 51
                                    

L''Oiseau recule de quelques pas. Sélène ne voit que l'horizon bleuâtre, elle sent qu'elle est en train de se noyer.

Elle voudrait vivre, sourire, rire.

« — Veux-tu bien me parler, petit Oiseau ? Me parler de ce que l'on voit là-haut ? Me dire comment la mer de nuages colore tes plumes ? Comment les rayons tracent le monde sur la mer et sur la terre ? »

Les larmes glissent sur les joues éteintes de Sélène.

« — Si je te rejoins là-haut, mon cœur se colorerait-il, lui aussi ? »

Le Passereau reste muet. L'espoir de Sélène s'effrite alors encore une fois, et elle ne peut s'empêcher de se blottir à nouveau contre le déchirement de son cœur.

« — La vie se sèche sur la peau comme la peinture sur une toile, dit-elle. C'est si beau et si triste de se voir sur ce misérable tableau, de voir toute notre vie à la toute fin, lorsqu'il nous reste que cinq inspirations, lorsque la mort est là pour nous conter tous les plaisirs et toutes les tristesses qu'on a pu ressentir au fil des années. Ça à l'air si calme, si apaisant, mais si frustrant. »

Les sentiments du Passereau envers le malheur de Sélène se fanent. Hélène est tout aussi morte que Sélène. Elle ne bouge plus du haut de son perchoir, elle regarde la scène, mortifiée. La honte, la colère, le désespoir, la tendresse et l'espoir s'entremêlent et tambourine contre sa poitrine.

« — Quand je regarde le monde de mes petits yeux insignifiants, je me dis que j'ai beau essayer de changer cette vision morbide et absurde qui m'effraie, l'horizon sera toujours aussi rouge, non ? A quoi bon lutter pendant des années ? »

Sélène souffle doucement dans le ciel qui se noircit. Sa chaleur forme une nuée blanche dans l'air glacé.

« — Au fond, à quoi servons-nous ? »

L'Oiseau lève les yeux vers le ciel, silencieux, un orémus au bout du bec. Bonne question.

— ...

Sélène eu le cœur serré en voyant le Passereau dans cette posture maternelle. Elle se tourne à son tour vers les cieux.

— Je sais, petit Oiseau, je sais. Il faudrait que je me réveille, mais si je le fais, peux-tu me promettre que la réalité sera meilleure qu'ici ?

Elle regarde le ciel devenu étoilé, et sourit sagement. Les joues d'Hélène ruissellent.

Mon Yakamoz Où les histoires vivent. Découvrez maintenant