J'ai toujours préféré le rouge

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C'est la première fois que je ressens ça de cette manière, comme tout ce que tu m'as fais ressentir pour la première fois.
Le deuxième côté, l'autre côté de la pièce.
Je n'existe plus, on s'est croisé comme deux inconnus.
Comme si on ne s'était jamais adressé la parole, comme si on ne connaissait même pas nos prénoms, comme si on ne s'était rien promis, comme si tout avait disparu.
J'ai même eu peur de te regarder, de lire dans tes yeux ce truc que je crains tellement de voir.
Mais je ne peux pas empêcher la vie de continuer. Alors, je ne dirai rien d'autre. Je me tais. Je me suis contenté de penser, d'essayer d'arrêter de penser.
Je n'arrête pas de me le répéter. À longueur de journée, pluie ou beau temps. Il faut que j'arrête de penser. Maintenant à jamais. Passé obsessionnel.

Jamais personne ne comprendra.
J'aurai voulu, du temps où il était encore permis d'avoir des rêves, de sourire et de pleurer sincèrement, d'être soi-même de t'aimer. J'aurai tellement voulu t'aimer.
Mais personne n'aurait compris.
Aucun des membres de ma "famille", mais peut-être tes deux fidèles amis. Si seulement ma "famille" savaient à quel point j'aimais le rouge, à quel point je n'étais pas celui que je prétendais être.

Tu m'en voudras peut-être. Peut-être que tu n'auras jamais le courage d'ouvrir cette lettre.
Peut-être que tu la brûleras et les flammes ardentes qui termineront de m'achever contrasteront étrangement avec les larmes sur tes joues. Peut-être que tu la liras d'un air hautain, et que tu t'en moqueras avec ta femme. Peut-être que tu trembleras, le corps parcouru de soubresauts et que tu ne prendras même pas la peine d'attraper ton manteau, ni de répondre aux questions idiotes de ta femme, ni de sortir de ta transe avant de partir de ta jolie maison avant d'arriver dans mon misérable appartement.
Peut-être...

J'en sais rien. Je ne sais plus.

Je sais juste que je n'ai plus peur, je n'ai plus peur de t'envoyer cette lettre, que pour une fois dans ma vie de moins que rien je n'ai plus peur de tenir tête à mon père tyrannique, de briser ce foutu cadre avec les règles de ma famille de bourgeois que cet incapable m'a enseigné à respecter, à crier que je le hais pour tout ce qu'il a fait, pour tout ce qu'il t'a fait, pour tout ce qu'il m'a fait, pour tout ce qu'il nous a fait, pour tout ce qu'il a lui a fait à elle, de laisser les larmes couler en repensant à ma mère, la seule un minimum saine d'esprit et que les règles bien-pensantes ont brisée.
Je n'ai plus peur... non je n'ai plus peur, plus peur de rien, plus peur de te le dire enfin.
Je t'aime.

Cela fait plus d'un mois que nos fils sont partis à l'école qui nous a forgés, que je t'ai revu après tant d'années. Tu es parti, me tournant le dos et je n'ai pas réussi à arrêter de pleurer.

Peut-être que tu as réussi ta vie, je l'espère. S'il te plaît, continu à sourire, à sortir avec les deux amoureux, n'abandonne jamais tes deux amis. J'ai toujours fais semblant de les détester comme j'ai joué à te détester, parce que j'étais jaloux, parce que je n'ai jamais eu cette chance.

Tu me comprendras, je le sais. Parce que tu m'as toujours compris.

J'ai presque fini d'écrire. J'ai fermé la porte de la salle de bain à clé. J'ai fais couler de l'eau. J'ai placé mon unique photo de nous deux sur le bord de la baignoire. J'ai vidé une boîte de petits cachets bleus. J'ai pris une lame de rasoir.

Ma chouette est à côté de moi, en sale état, on dit qu'elles reflètent leur propriétaire. C'est le dernier message qu'elle enverra.

Je tiens l'argent dans ma main, je commence par mon bras sali par la marque des ténèbres.
Ploc, ploc. Quelques gouttes tombent dans l'eau. Ça mal, trop mal...mais tellement de bien.

Tout rouge. L'eau change de couleur. Comme mon cœur qui a toujours battu pour toi. Je souris. Douce euphorie. Je peux enfin te le dire, ouais je peux, je t'aime, putain qu'est ce que je t'aime.
Jolie eau. J'ai toujours préféré le rouge.

D.M

Le rouge et le vert se mélangent si bien { recueil OS Drarry}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant