Je t'haime

e i g h t

3 jours s'étaient écoulés depuis sa désagréable rencontre avec Bill dans la forêt. Depuis, il n'y était plus retourné, mais personne n'avait posé de question. A première vue, le démon n'avait pas l'air d'avoir causé de problème. Non, c'était plutôt calme, en vérité, et ça inquiétait encore plus Dipper de son inactivité.

Il n'avait parlé à personne de la renaissance de Bill. Il gardait ça pour lui, ce qui rajoutait un poids et une inquiétude en plus sur son cœur et ses épaules. Mais il préférait être le seul à se torturer l'esprit, à avoir les organes compressés, à être prit de nausée. Il voulait être le seul à supporter ces tourments incessants, car le deuil de ses parents pesaient déjà énormément sur la famille Pines.

C'est pour cela que, même si l'envie l'avait prit plusieurs fois de partager ces informations avec quelqu'un, il se consolait dans l'idée que Mabel se levait chaque jour avec le sourire et un goût d'avenir meilleur dans la bouche. Que Stan ne se forçait pas à être trop affectueux -ce qui était terrifiant, et que Ford profitait encore plus de la vie aux côtés de son frère, et de ses neveu et nièce.

Voilà ce qui motivait Dipper à se taire, et à agir comme il le faisait depuis toujours dorénavant.

Et voilà ce qu'il pensait alors qu'il était sur le toit du Mystery Shack, en compagnie d'un chat errant gris et maigre, et regardant l'horizon qui se teintait d'orange. Il avait passé sa journée dehors, commençant à étouffer de rester trop à l'intérieur.

Il voulait sentir le vent passer sur son corps qui n'était qu'un grain de sable parmi tant d'autre sur la Terre, sentir l'odeur des feuilles et des épines de sapin, profiter du grand soleil toujours présent sur son trône de feu. Et ce, peu importe si Bill rodait dans la nature ou non. Il ne voulait plus se priver de vivre, sauf si sa sœur le lui demandait.

Il était heureux de la voir sortir de la cabane pour rejoindre ses amis, après avoir plaqué un bisou baveux sur la joue de leurs deux oncles. Elle riait de nouveau, elle respirait enfin. Quitter le triste endroit qu'était la famille d'accueil et qui leur rappelait sans cesse qu'ils étaient orphelins ne l'avait que fait avancer un peu plus, et sans son aide qui plus est.

Et lui, il sombrait pour le bonheur de sa sœur.

Mais il ne le savait pas, évidemment. Il pensait que c'était la meilleure chose à faire que de taire ses peines et sa colère. Il pensait que ne pas inquiéter sa jumelle allait l'aider à vivre, mais il se trompait. Mabel ne le montrait pas, mais elle était inquiète qu'il ne parle pas, qu'il fasse comme si tout allait bien.

Elle savait. Elle voyait dans ses yeux la douleur. Cette même douleur dans ses yeux noisettes qu'elle observait dans son miroir. Le deuil était une des pires épreuves, et elle était consciente que la douleur ne s'enterrera jamais. Elle s'estompera seulement, se cachera parmi les limbes de leur esprit, et ressortira quand ils auront le malheur de laisser la tristesse les envahir. Mais elle ne s'en ira jamais, elle s'est accrochée à leur âme pour l'éternité.

Pourtant Dipper ne s'en souciait pas. Avec sa boisson gazeuse en main, assit sur le bois de cet sorte d'estrade qui lui offrait une vue incroyable sur tout ce qui l'entourait, il réfléchissait à quoi faire, à quelle décision prendre si jamais Bill venait à tout gâcher, encore une fois. Ça faisait plusieurs heures qu'il était perché là-haut, mais tant qu'on ne lui dira pas de descendre, il y restera, pour réfléchir encore un peu.

Si aucun monstre ne s'était encore plaint de la présence du démon, cela voulait peut-être dire qu'il s'était calmé, et qu'il savait qu'il était maintenant inutile de tenter une domination du monde alors qu'il est seul.

Non, ce serait trop beau pour être vrai. Réfléchir comme Bill Cipher était complexe, mais pas impossible. Ce qui fait que Dipper était persuadé que le triangle préparait quelque chose d'encore pire, qui aura un affreux impact sur leur famille, et sur les humains en général.

Il fallait réfléchir à la chose la plus impensable, pour se mettre dans le personnage de ce démon horrible. Et la chose la plus impensable que voyait Dipper en ce moment, était que le blond réduise toutes les créatures de Gravity Falls à l'esclavage, ce qui expliquerait le calme étrange.

Dipper sortit de sa torpeur, pour baisser la tête en voyant son oncle Ford rentrer au Mystery Shack. Il ne l'avait pas vu sortir, trop pris dans ses pensées et le nez trop en l'air pour faire attention à quoique ce soit. Aussi le suivit-il des yeux, jusqu'à ne plus le voir, avant de relever à nouveau la tête vers ce soleil brûlant qui s'endormait doucement dans le ciel. Il but la dernière gorgée de sa canette, et se dit qu'il allait peut-être descendre maintenant. Sa vessie peinait à tenir encore plus longtemps.

- J'ai revu Wendy ! s'exclama Mabel en rentrant dans le salon.

Stan, Ford, et Dipper relevèrent la tête avec une lenteur extrême. Ils plantèrent leurs yeux dans ceux de la seule fille, qui les regarda tour à tour en souriant. Au bout d'une demie-seconde, Stan reporta son attention sur l'écran de la télévision, tandis que son frère et son neveu restait attentif à la jeune fille.

- Et.. donc ? dit l'adolescent en l'incitant à continuer.

- On va boire un verre demain soir pour se rapporter des nouvelles, bien sûr ! répondit-elle, comme si c'était évident.

- Avec tes amies ? continua le garçon.

- Bah.. Non, toutes les deux ! 

Un silence s'installa, et Stan toussa sans lâcher des yeux son écran fétiche.

- Dis lui de penser à me rembourser tout un stock de boules à neige, j'attends toujours mon argent. railla le vieil oncle ronchon.

- Ok !

Puis elle s'en alla en direction de la cuisine, en criant le menu du soir auquel elle avait pensé sur le chemin du retour. Dipper et Stan soupirèrent presque en même temps, déjà dépités de devoir manger un plat préparé par Mabel. Le plus vieux des deux tourna la tête vers son jumeau.

- Tu veux pas aller l'aider, Ford ? Ce sera peut-être un peu plus mangeable, ses machins bizarres.

- Oui, bien sûr. répondit le concerné.

Il se leva, sous les yeux étonnés des deux autres hommes de la pièce, qui le regardèrent partir en direction de la cuisine avant de se regarder entre eux avec un air d'incompréhension pur. Ford venait d'accepter de cuisiner ? Il n'avait pas des plans à revoir, dans son laboratoire, comme il l'avait rappelé à chaque fois qu'on lui demandait si il voulait bien faire tel ou tel chose le soir ?

- C'était.. inattendu. dit finalement le châtain.

- J'allais l'dire.

Ils ne surent quoi dire de plus, si bien qu'ils reprirent leurs activités initiales qu'étaient de regarder la télé pour l'un, et lire un livre d'enquête pour l'autre, en attendant que ce fameux dîner certainement immangeable soit prêt.

aolfq