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La maison des parents d'Anna-Livia est en centre-ville, à quelques rues de celle des miens. Comme très souvent lorsque ses vieux filent en weekend, nous en profitons pour investir les lieux. Les années passant, nous sommes de plus en plus disciplinés, mais avec toutes les conneries que nous avons pu y faire, je me demande comment ses parents acceptent encore de lui laisser organiser des fêtes. Sans vouloir jouer au psy, je pense que c'est pour eux un moyen de se dédouaner de leurs absences répétées depuis qu'elle est enfant. Je ne connais pas grand-chose d'Anna-Livia, mis à part la taille de ses nichons et la profondeur de son vagin ou de sa bouche, mais je sais que son père est directeur général d'une grande entreprise de moteurs de bateaux, et que comme pour beaucoup de ces mecs, la firme passe bien souvent avant les gosses.

Le cas d'Anna-Livia n'est cependant pas isolé. Dans notre milieu social, bon nombre de schémas familiaux ressemblent au sien ; Papa travaille soixante heures par semaine, pendant que Maman et ses copines relatent leurs vies d'épouses esseulées au club de tennis local, dans lequel leurs têtes blondes apprennent les rudiments de la vie bourgeoise.

J'en sais quelque chose, parce que c'est exactement le résumé de mon enfance. Mon père n'est pas chef d'entreprise, mais un chirurgien hautement reconnu, et ma mère, anciennement médecin, a passé ces dernières années à s'occuper de nous et à investir ses relations dans les clubs de golf et de tennis. Je ne suis pas con au point de me plaindre d'avoir eu une enfance et une adolescence dorées, bercées entre accès aux meilleurs clubs de sport et résidences secondaires, mais je pense, tout comme cette chère Anna-Livia, que j'ai passé plus de weekends avec des baby-sitters qu'avec mes parents qui étaient toujours barrés en congrès.

C'est justement cette dernière qui nous ouvre la porte, alors que mes potes et moi sommes plantés devant, depuis un bon moment. L'air naturellement hautain d'Anna-Livia se transforme vite en une moue sans équivoque lorsqu'elle nous aperçoit, Terence et moi, en tête de la meute.

— Hé ! Mais c'est Tic et Tac et leur bande de nuts au grand complet ! Bienvenue, messieurs, termine-t-elle avec un sourire arrogant et sensuel à la fois.

La maîtresse de cérémonie affiche déjà les signes d'une alcoolisation massive. Elle peine à garder l'équilibre sur ses hauts talons noirs, et son regard azur envoie déjà des flammes aguicheuses. La grande blonde au carré strict triture d'une main le devant de sa courte robe en flanelle noire, et une coupe de champagne dans l'autre, elle se dandine de gauche à droite, passant son regard de braise de Terence à moi.

— Anna chérie, tu comptes nous laisser entrer ou on s'envoie en l'air sur ton trottoir ?

Les derniers mots prononcés par Terence font mouche auprès de notre hôte qui ne regarde désormais plus que lui. Elle gonfle aussitôt sa poitrine, soumise à une soudaine amplitude respiratoire longue et soutenue, tandis que sa langue trace un chemin humide sur sa lèvre inférieure, sur laquelle finissent par se refermer ses dents d'un blanc hollywoodien.

J'offre à Terence un regard amusé qu'il interprète comme il se doit : « Après toi ».

Mon ami pénètre ainsi en premier dans la grande échoppe et part aussitôt déverser sa peine du jour dans la chambre d'Anna-Livia.

Allez savoir pourquoi, je le regarde gravir l'escalier, sa main posée sur le dos nu de notre consœur, une sorte de fierté, ou peut-être de soulagement, bêtement imprimé dans mon cœur.

Le reste de ma troupe groupé derrière mon cul, telle une unité de combat, je traverse le long couloir d'entrée et déboule rapidement sur les quasi cent mètres carrés de salon, déjà bien envahis par les fêtards du soir. Les enceintes vibrent sous le volume élevé de la musique, et plusieurs dizaines de corps se déchaînent sur son rythme.

WillOù les histoires vivent. Découvrez maintenant