CINQ - NEW-YORK, NEW-YORK

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Les rayons du soleil me picotaient la peau, ils s'infiltraient sous mes paupières éjectant le film noir de la nuit et laissant derrière eux une légère poudre saumonée. Mes yeux roulaient sous la fine couche de peau les recouvrant, refusant de se soulever pour faire face à cette nouvelle journée, c'était tellement plus simple de rester sous la couette. Pourtant, une force extérieure me tirait les paupières et me les épinglait pour qu'elles ne se ferment plus de nouveau. Mes yeux clignaient un nombre infini de fois avant de s'accommoder à la forte lumière m'entourant, les ombres difformes se dessinaient peu à peu devenant dès lors, la fenêtre, le bureau et la ville s'étendant à l'arrière pour se fondre dans une masse sans nom.

Mes yeux restaient fixés sur la ville en face. A Nevada City, lorsque je me réveillais chaque matin, j'entendais les oiseaux chanter en dehors de la maison et j'apercevais les branches pendantes de Robinson. Là, je n'entendais rien. 

Je m'attendais, en arrivant ici à entendre chaque matin le trafique New-yorkais particulièrement bruyant. Pourtant seul le silence étouffant écrasait la pièce et la confinait pour lui donner cette allure si peu naturelle et froide, cette allure de chambre d'hôpital. J'avais presque l'impression d'entendre l'électrocardiogramme à mon côté gauche, bipant d'un rythme régulier et transcrivant les battements irréguliers de mon cœur voulant se trouver ailleurs. 

Je me relevais sur mes coudes et me frottais les yeux, j'observais avec peine la pièce m'entourant. Je ne saurais dire à quelle heure exactement mes yeux se sont fermés pour la dernière fois et pour ne se rouvrir qu'au matin. Je me retournais dans mon lit, attrapais mes lunettes sur la table de chevet, un des pulls qui jonchaient le sol et posais les pieds au sol afin d'aller ouvrir la porte du balcon. J'inspirais un grand coup, laissant l'air frais pénétrer dans mes poumons, froid, glacial, humide, avant de ressortir une nano-seconde plus tard, transformé, toxique et chaud.

C'était le première fois que je me réveillais ici. La première nuit que je passais si loin de ma famille. La douleur me tiraillait, elle boxait mon intérieur sans le ménager, je sentais dans mon ventre cette boule qui ne voulait me quitter et ma gorge, sèche, se serrait chaque q'une pensée d'eux me traversait l'esprit. Je fixais mon regard le plus loin possible et fermais les yeux. C'est alors qu'ainsi, les yeux clos et le vent me fouettant le visage je voyais, en face de moi le grand jardin de la maison. Je m'imaginais dans notre Temple, l'air pur et non pollué de ma petite ville perdue de Californie entrant dans mon organisme, je voyais Ruby au loin, sautiller comme une folle attendant que Jarred aille la faire courir au bord du lac et le temps d'un instant...j'y étais. 

J'étais là où j'aurais dû être, là où était ma place. Mais j'ouvrais mes yeux de nouveau et les seules choses que je pouvais distinguer sur des kilomètres à la ronde étaient des immeubles qui ne s'effaçaient jamais. J'aimais penser que si je regardais assez loin, que si je poussais ma vue jusqu'à l'impossible, je pourrais les apercevoir, vaquer à leurs activités, mais seuls les grattes-ciel et les grands immeubles étaient en capacité d'entrer dans mon champs de vision. Je fermais les paupières et sentais une unique larme rouler sur ma joue, je la chassais d'un faible geste.

Ma main glissait sous mon oreiller et je dégainais mon téléphone. En le mettant en route, un nombre incalculable de notifications se mettaient à me harceler. Hier soir, je m'étais endormie avec Jarred au téléphone et, faute de batterie, il s'était éteint. Je m'asseyais sur le lit et lisais tous ces messages. Je m'approchais de la fenêtre et photographiais le levé du soleil qui, au travers de toutes ces hautes tours d'acier se trouvait être particulièrement hypnotisant. J'envoyais la photo à Jarred, comme je le lui avais promis.

Je me demandais sérieusement combien de temps j'allais bien pouvoir tenir sans eux ici ? Mais la réponse était tellement floue et indéterminée que cela me faisait encore plus peur. J'avais peur parce que je savais que je n'avais aucun pouvoir et aucun contrôle sur cette situation, je ne pouvais rien faire, impuissante face à des géants qui régissaient ma vie. Alors, avant que ces pensées sombres ne viennent me ronger un peu plus qu'elles ne le faisaient déjà, je préférais arrêter d'y songer pour le moment bien que sachant qu'elles n'allaient pas se taire éternellement. Je répondais une dernière fois à Nelson en lui assurant que je les appellerais ce soir et lâchais mon téléphone sur le lit.

Pluie de Crystal | #wattys2019Où les histoires vivent. Découvrez maintenant