Chapitre 1 : L'aviateur

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ANNA

Après m'être soigneusement brossé les cheveux, je consens finalement à me mettre au lit. Il est à peu près 22h et ma mère a éteint la radio avant de l'emporter dans sa chambre, afin que je ne me couche pas trop tard. En ce printemps 1944, c'est la seule chose qui m'apporte du réconfort en ces temps sinistres, mais elle semble en être complètement indifférente. Chaque soir, elle me confisque le poste.

Cela fait six mois que nous avons des nouvelles par intermittence, de mon père et de mon frère Alexandre. Officiellement ils ont fuient vers la Suisse pour éviter le service obligatoire en Allemagne, mais officieusement, ils ont agrandit les rangs de la résistance d'Alençon. De temps en temps, quand je le peux, je leur apporte quelques provisions pour eux et leurs camarades. De ce que m'a rapporté mon frère, quelques chose se prépare... Cela fait maintenant trois ans que nous vivons sous le joug des allemands et je ne demande qu'à retrouver la vie paisible que nous avions avant... Avant. Est-ce-possible, de retrouver cet avant ? Les choses ont tellement changées autour de nous et on ne peut plus faire confiance à personne.

Nous étions encore à Paris quand nous avons vu notre immeuble se vider de ses habitants juifs, que nous connaissions pour la plupart depuis toujours : madame Rosenbaum, monsieur Azkaz, Joseph Leipiz, notre concierge... et tant d'autre. Certains se sont cachés en Suisse, mais d'autre, ont pour la plupart été raflés en 1942. J'espère juste que là où ils sont, ils ont de l'espoir et qu'un jour peut-être, ils reviendront...

Quand l'annonce du service obligatoire à été promulgué, nous sommes partie chez ma tante Bérénice à Alençon, pensant être à l'abris. Néanmoins, très vite nous nous sommes rendu compte que Vichy n'avait pas de limite dans la traque des honnêtes gens, alors mon père et mon frère ont été obligés de se cacher. Ils ont intégrés le réseau souterrain de résistance, tenu par l'un des amis d'enfance de ma mère et depuis lors, ils agissent dans l'ombre. De ce que j'ai cru comprendre ce ne sont pas forcément de grands coups d'éclats, mais ce sont des actions répétitives, vouées à déstabiliser l'occupant : déraillement de trains, le détournement de marché noir ou vole d'essence à destination des voitures allemandes.

En attendant leur retour, nous vivons toutes les trois du salaire d'infirmière de ma mère, mais depuis quelques mois, je travaille au tri postal. Joignant ainsi l'utile à l'agréable, cela me permettant de fournir des renseignements à mon frère sur les courriers venu d'Allemagne, par exemple.... Je parle et comprends cette langue parfaitement et grâce à cela, j'ai réussi à obtenir un rôle somme toute modeste dans l'organisation. Quelques fois, j'ai pour mission de me rendre dans des lieux fréquentés assidûment par les officiers pour écoutés leurs conversations. Je me rends souvent dans des cafés car ils parlent sans précaution après quelques verres de vins... Je rapporte tout ce que j'entends à Alexandre ou mon père. J'ai même réussi à déchiffrer un message codé sur l'une de leur fréquence radio ! C'est pour toutes ses raisons qu'en ce moment je suis sur-excitée, car je pressens une action à venir. Sur Radio Londres, a été lu en début de semaine les vers suivant: Les sanglots longs des violons de l'automne. C'est de Verlaine et c'est censé annoncer une opération imminente des Alliés, mais laquelle ? Depuis que j'ai entendu ça, je n'arrive plus à dormir, présentant l'action que nous attendons depuis plus de trois ans. Allongée dans mon lit, je regarde la Lune à travers la fenêtre ouverte. Ce soir elle est anormalement basse et je me mets à rêver d'une vie sans guerre. Une vie où je pourrais reprendre mes cours au Conservatoire et jouer sur les planches, comme je le désirai ardemment avant d'avoir été contrainte à la fuite. Une vie où Alexandre et mon père n'ont plus à se cacher. Une vie où ma mère et tante Bérénice arrêtent de paniquer dès qu'elles croisent un homme en uniforme de la Wehrmacht. Une vie où les arrestations arbitraires cessent et que les gens qui jadis peuplaient mon immeuble d'enfance, réintègrent dans leurs appartements et retrouvent leurs vies là où ils les ont laissés...

The Women of the family - Tome 2 : AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant