Chapitre 1 : L'amour est une valse dont on ne sort pas indemne

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Les lumières dansent au même rythme que les clients dans un ballet coloré, singulier, épileptique, kaléidoscopique. Un peu comme les pilules du bon docteur que notre chère madame Daroze semble bien apprécier. Le son, lui, brise tout ce qui peut l'être, à commencer par les pensées constructives. Ceux qui sont là n'ont qu'un but : se détendre et profiter de la soirée, parce que le reste du temps est loin d'être rose. Alors, parce qu'on veut vivre un peu, on se lâche, c'est normal. Et la musique aide à briser les pensées superflues, en a-t-on besoin pour s'amuser ? Non, bien sûr que non. Et qui vous dirait le contraire ? On change d'ambiance en changeant de type de pensées. Plus de boulot dans le crâne, à présent, ce sont des musiques populaires, de bien piètre qualité, mais tout le monde s'en moque bien, elles suffisent à se vider la tête. Pour ce qu'elles contienent...

Oh, cet établissement n'est pas la meilleure boite de nuit du monde, mais il y a quand même de quoi se détendre, entre les boissons pas mauvaises du tout, les habitués plutôt gentils et bavards. Et puis les gens ne sont pas regardant sur ce qu'il s'y passe, et on a tôt fait d'ignorer les couples un peu trop démonstratifs sur les canapés dans les coins sombres... Des fois ça vaut mieux, on serait étonné de voir ce qu'il s'y fait. Quoi que ceux qui regardent sans être assez discrets aient le droit de participer de temps à autres, ça dépend des gens, de leur humeur. Et on s'en moque bien, de savoir qui sont les membres des couples : des hommes, des femmes, aucun des deux, des jeunes, des vieux, aucun des deux, on s'en fiche en fait. Chacun fait ce qu'il veut ici. Personne ne dit rien à personne. C'est mieux comme ça.

On trouve de tout dans ce chaos éclatant et complétement éclaté : des gens bien et des gens moins bien, des personnes aux goûts colorés et d'autres plus sobres, ceux qui sont ivres et ceux qui ont encore toute leur tête, les célibataires et ceux qui ne le sont plus. Tout un tas de monde, des individus tous uniques, et tous perdus dans la masse. C'est ce qui est beau dans ce monde : la diversité.

Et puis il y a Clair, serpentant au milieu de tout ce monde, se glissant entre ces personnes sans la moindre difficulté. Il avance, comme le reptile silencieux, subtil, presque sournois, qu'il est au fond de lui, un reptile qui a besoin de chaleur pour survivre. Depuis le temps qu'il perd ses habitudes, les retrouver lui fait quelque chose. Il se sent bien, notre reptile singulier. Ça fait longtemps qu'il n'a pas fait preuve d'autant de discrétion, ça lui manquait trop.

Voilà ! Discret, c'est ce qu'est Clair en ce moment, et ça lui plait. Tellement qu'il n'arrête pas de jouer avec son labret, sans trop savoir pourquoi, alors qu'il n'y touche jamais d'habitude, question de principe selon ses propres termes. Et des principes, cela fait bien longtemps qu'il n'en n'a plus. Dommage, bien dommage.

Mais quels sont ces principes au juste ? Personne ne sait de quoi il parle en disant cela, et qui sait, peut-être que lui-même ne le sait pas. Quelque part, ce ne serait pas étonnant le moins du monde. En tout cas, ce petit jeu montre bien qu'il est parfaitement détendu, mais pas calme pour autant. Ce soir, il est plus en forme que jamais, peut-être qu'il s'enverra en l'air une fois rentré chez lui. Si son amant le veut bien cependant. Il n'est pas très sûr de ça, mais qui ne tente rien n'a rien, n'est-ce pas ? C'est facile de dire une telle chose, mais il ne faut pas se voiler la face : de tous ceux qui ont gagnés au loto, tous ont tenté leur chance.

Le voilà donc qui fait glisser l'anneau à travers sa lèvre, pendant que des millions de petits picotements traversent cette zone si sensible chez lui. Elle a toujours été son point faible, allez savoir pourquoi... Et celui qui hante ses pensées le sait bien, et il sait s'y prendre pour amuser le beau Clair quand il est d'humeur.

Et pendant qu'il joue avec son labret, ses doigts se dirigent instinctivement vers les anneaux à ses oreilles. Un à droite, et trois à gauche. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Parce que son corps est tant marqué, tant changé par le temps qui avance.

Sac de papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant