Sac de papier

Chapitre 8 : Pourriture macabre

Certains pensent que les soirées déguisées sont toujours le théâtre de moments gênants, de moments inappropriés. Ceux-là ont tellement raison... tellement raison... C'est bien simple, je ne supporte pas ce genre d'évènement, on s'y ennui bien souvent, et les costumes alternent toujours entre des choses bien faites, et d'autres réalisées bien vite, sans intérêt. Il n'y a jamais de juste milieu, ce ne serait pas drôle sinon. Alors plutôt que de m'apitoyer là-dessus, moi, je fais tout autre chose. C'est mieux ainsi.

Me voilà donc invité à l'une de ces soirées, et pas n'importe laquelle s'il vous plait, une invitation de la part de monsieur Lorenzo Coste, le PDG de la maison Coste ! De quoi me dissuader de ne pas venir, il faut savoir cultiver son image comme on cultive des petits pois. Et comme sans lui j'aurai eu bien du mal à percer parmi les beaux gens de cette ville pourrie jusqu'à l'os, bien décomposée, bien pleine d'un jus immonde, c'est la moindre des choses de venir le voir. Sans compte que je l'apprécie quand même un peu, alors ce serait dommage de ne pas venir le voir à cette occasion.

Oh, je comprends bien que ce cher Lorenzo ait besoin de se faire un peu de publicité pour vendre ses vêtements, quoique je doute qu'il en ait réellement besoin. Ce qui passe sur internet et à la télévision marche plutôt bien, le tout est bien fait, et on ne peut pas passer à côté sans broncher. Et puis après tout, il est tout particulièrement célèbre maintenant, et ma plus grande fierté à son sujet, c'est sans doute le fait que j'y suis indirectement pour quelque chose, et que personne ne pourra jamais s'en douter. Tant mieux pour moi ais-je envie de dire.

En fait, s'il est si connu, c'est depuis le meurtre d'un certain Jean Trente, ancien compagnon de sa personne. Je n'ai jamais vraiment apprécié cette vermine de peintre, et je me doute bien que c'était réciproque. Et puis, pour la défense de ce meurtrier, de cet enfant de salaud, je n'avais pas vraiment arrondi les angles entre nous... Mais est-ce ma faute si Clair l'a abattu comme je le lui ai demandé ?

Evidement que non enfin !

En tout cas, Lorenzo s'est bien défendu pendant ce long moment d'incertitude. Et il avait bien raison de ne pas se laisser faire ! Parce que ce n'était pas seulement sa réputation personnelle que les découvertes au sujet de la victime mettaient en cause, mais aussi tout son travail. Il semblerait qu'un petit moucheron ait cafardé au sujet de la relation qu'ils avaient autrefois entretenu, et je me demande bien qui cela peut être... Enfin, si jamais il n'avait pas été capable de se défendre comme il le fait d'ordinaire, tout son travail aurait pu s'évanouir dans la nature, il aurait tout perdu. C'est qu'avoir été en couple avec un tueur cannibale n'aide pas beaucoup à se faire apprécier du grand public ! Parce que l'image d'un PDG qui ait eu une relation avec ce monsieur Trente, ce n'est pas vraiment le meilleur argument markéting.

Drôle, très drôle. Vraiment ! Je n'en pense pas du tout le contraire !

Ce que je trouve bien dommage cependant, c'est qu'il s'est un peu éloigné de moi. Mais enfin, comment donc lui en vouloir ? Je suis la personne à qui l'on a confié l'étude de ce cher fou furieux, abattu sans raison apparente... Ah les jeunes de nos jours, ils n'ont plus aucun sens moral. Et bien entendu, j'ai écrit dans mon compte-rendu tout ce que je pensais juste. C'est mon travail après tout, et démonter cet homme ne m'aura pas été des plus désagréable, j'ose le dire.

En conséquence, cela n'a pas beaucoup plu à mon couturier favori, mais avais-je vraiment le choix ? Je ne le crois pas, il faut bien travailler après tout, et je crois bien qu'il n'a rien à dire, ceux qui sont contre la fourrure sont sur son dos depuis des années ! Mais il a au moins réussi à se remettre de tout cela, et même plutôt vite. J'imagine que son nouveau compagnon n'y a pas été pour rien. J'ignore la nature de cette personne, mais enfin, je verrai bien, cela ne faut aucun doute. J'espère qu'il sera un peu dérangé, ce serait bien drôle ! Ahah !