Chapitre 2 : Premiers contacts avec le psychiatre

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— Bonjour. Je me présente : docteur Ethan Leroy. A partir de maintenant je serai votre psychiatre référent. N'hésitez pas à faire comme chez vous, ce n'est pas un grand bureau, mais je vous en prie, prenez vos aises.

Ce bureau, je m'en rappellerai toute ma vie. Un meuble noir avec des bibelots un peu partout, dont certains qui étaient en fait des pots à crayons habilement déguisés. Et derrière ce bureau, le bon docteur. Il était là en face de moi, ce bel homme aux cheveux roux, avec sa cicatrice toute boursoufflée en travers de l'œil gauche. A l'époque, il ne faisait aucun effort pour la cacher, et honnêtement, je n'étais pas des plus rassurés en la voyant. Qui aurait pu l'être ?

Pourtant, la première impression qu'il m'a donnée n'était pas si négative, loin de là. Il avait l'air calme, posé, et il l'était vraiment, ça se voyait bien. Je me souviens qu'il n'a pas arrêté de sourire tout ce temps, comme d'habitude remarque. Comme s'il savait ce qui allait arriver. Il est toujours une énigme pour moi aujourd'hui, alors que ça fait déjà quatre ans qu'on se connait, quatre ans que nous partageons tant de choses. Alors j'imagine sans peine qu'il était encore plus insondable à ce moment-là. Parce qu'après tout, je le connaissais encore moins bien qu'aujourd'hui. Logique. Logique.

Je m'étais mis assis sur son divan, prêt à m'allonger comme dans les films et les mauvaises séries, le genre de choses que tout le monde a déj vu au moins une fois dans sa vie, parce qu'il n'y a plus que ça à regarder à la télé. Il a tout de suite réagi, manifestement un peu réticent à cette idée.

— Non, pas le divan. J'aimerais vous avoir en face des yeux. Enfin... en face de l'œil !

J'ai souris comme un idiot, avant de me reprendre tout de suite. Je pensais l'avoir vexé, et beaucoup auraient pensé comme moi, c'est certain, tous ceux qui sont un peu sensés auraient pensé comme moi à cette époque. Il me témoignait du respect, alors je ne pouvais pas ne pas lui en donner, donnant-donnant comme on dit, hein ?

— Allons, je vous en prie, continuez à sourire, au moins encore un peu. J'aime voire mes patients sourire, c'est quelque chose qui me met toujours de bonne humeur. Comment vous appelez-vous ?

Là ça m'a énervé. Il paraissait si sympathique, et voilà qu'il rentrait à nouveau dans son rôle de médecin ! Je n'avais pas aimé, mais vraiment pas. Alors je lui ai fait comprendre. Pas que c'était important, mais enfin, un petit peu quand même.

— Vous le savez déjà non ? que j'avais répondu, sèchement répondu.

— Bien sûr, avait-il renchérit calmement, mais j'aimerai l'entendre de votre bouche. Ça me ferait plaisir vous savez ?

Pourquoi a-t-il dit ça comme ça, comme si j'étais un adulte qui se comportait mal envers l'enfant qu'il faisait ? Maintenant je le sais, il tentait de m'amadouer, une technique qui marche plutôt bien d'après ce que j'ai pu constater avec toutes ces années partagées à ses côtés. Alors je lui ai répondu tout naturellement, parce que c'est comme ça que je suis.

— J'm'appelle Clair. Clair Damien.

Il n'a pris aucune note, comme si ce n'était pas des plus importants. Il s'est contenté de me regarder de son unique œil valide, une putain de pierre précieuse cet œil-là. Puis, il a recommencé à me parler de mon sourire. Je me suis dit que je lui avais tapé dans l'œil.

— C'est dommage que vous ne souriiez pas plus. Je suis sûr que vous avez de quoi faire rêver les autres avec cette arme, non ?

— Je suis pas d'humeur.

Je me souviens que la commissure de ses lèvres a encore monté sur son visage, comme si c'était possible. Si ça avait continué comme ça, je suis même sûr qu'il aurait dépassé son visage, comme un certain chat dans un certain livre. Il était simplement beau comme ça, bizarre c'est vrai, mais beau ! Mais il restait mon médecin, mon psychiatre, rien que ça. Ce genre de choses, ça vous coupe toute envie, toute tentative de faire quoi que ce soit. Pas que j'en avais envie tout de suite d'ailleurs. Je ne pouvais rien dire à son sujet, j'étais là pour parler de moi, pas pour le complimenter sur un putain de sourire qui ne voulait pas dire grand-chose de toute façon.

Sac de papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant