Chapitre 11 : Ahah

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— M'aimes-tu de tout ton cœur ?

— Oui.

Et l'homme au sac de papier sourit.

— Me désires-tu de tout ton corps ?

— Oui.

Et l'homme au sac de papier rit.

— Veux-tu dévorer tout ce qui peut l'être entre toi et moi ?

— Oui.

Et l'homme au sac de papier hurle.

Parce que c'est ce qu'il veut, ce que je veux, ce que nous voulons tous. Tous. Parce qu'il ne fait aucun doute que cet homme les mérite toutes et tous, ces petites putes arc-en-ciel monochromes. Ce garçon aux cheveux violets, ce garçon aux cheveux blancs, il les veut tous, tous. Tous. Nouveau produit en vente, nouvelle drogue pour ceux qui en ont besoin ! Il est bon bon bon le bon docteur ! Et même, il est trop bon pour ce monde méchant ! Ahah !

Et bouffent et bouffent les malades sous sa coupe. Bientôt il n'en restera que des cendres blanches à force d'avaler les couleurs. Ça tombe bien, les cendres c'est pratique pour faire pousser des graines malades. Il en faut toujours plus des malades. Pour compléter cet arc-en-ciel tout déformé.

Un putain d'arc-en-ciel noir. Tout noir. Et tout plein de couleurs. De belles couleurs. Des couleurs pourries, brûlées, sanglantes. Toutes poisseuses, toutes ivres, toutes nues. Toutes rien les couleurs. Ouais, toutes rien.

Mais trêve de blablas, trêve de blablas. Aujourd'hui, c'est l'heure des visites. Oh oui, les visites, les visites ! Et on commence toute de suite avec madame Daroze. A-t-elle apprécié les nouvelles substances pas très très licites créées par le bon docteur ? A voir son visage cireux : pas vraiment... Une de moins à servir de test. Dommage et pas dommage, des comme elles on en trouve plein. Tout le temps plein. Allez, on continue !

Cette fille qui prétend voir les fantômes ? Pareil, de toute façon elle est laide. Ce garçon qui entend les couleurs ? Idem, il est sourd en plus. Ce pauvre bougre bourré de cachet à en crever ? Il ne doit plus en avoir pour très longtemps, on fera passer ça pour un suicide, et on maquillera l'affaire, c'est pas l'habitude qui manque après tout. Cette tarée qui a incendié sa maison sans raison ? Elle tangue dangereusement. Augmenter les doses, ça lui fera du bien. Ce gosse violeur et assassin ? Il lui en faut plus, encore plus, toujours plus. Celui-là doit voir les couleurs. Encore et encore. Encore et encore. Jusqu'à ce qu'elles lui crèvent les yeux et les tympans et la langue et les mains et le nez. Et ce garçon aux cheveux d'or ? Plus de pilules, encore plus, toujours plus, toujours toujours plus. Il lui en faut plus, jusqu'à ce que ses yeux explosent, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus parler. Jusqu'à ce qu'il soit trop plein et éclate. On aime ça, on aime ça, pas vrai ? Pas vrai ! On aime ça, on adore ça, on en veut toujours plus. Toujours plus.

Il est comme ça le bon docteur. Il aime partager. Et partager, il le fait souvent, si souvent ! Et pour ce soir, la belle Natalia lui a proposé un article de choix : le parfait candidat pour ses petites expérimentations. A voir ce qu'il vaut. A voir ce qu'il pourra faire. A voir comment il évoluera. Le temps fera son œuvre, c'est le seul artiste immortel.

Reste encore le beau Clair. Et cette salope de Carole. Toujours Carole hein ? Elle a presque tout de suite vu derrière le crâne du docteur Jésus Judas. Elle sait qu'il n'est pas clair, un peu comme elle. Comme lui elle travail dans les méandres les plus nauséabondes de l'humanité. Elle les sent, les comme elles. Mais lui, c'est le cran au-dessus. Il faut s'en débarrasser, s'en débarrasser de cette gêneuse, elle a déjà failli réussir quelques temps plus tôt. Il faudra s'en débarrasser. Elle voit mieux que quiconque. Un jour, elle le dénoncera. Il faudrait s'en débarrasser. Ou la laisser vivre. Il n'en sait rien. Ça pourrait être drôle de la laisser faire. À voir. Peut-être.

Sac de papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant