Chapitre 3

27 0 2
                                    

Les jours suivants, Agathe continua son petit manège, comme si la scène du chocolat lui avait donné de la confiance. Elle m'offrait des chocolats chauds, elle venait parler des cours de temps à autre, sans être imposante, mais sans être invisible non plus. J'avais beau lui parler d'un ton sec et distant, cela ne l'empêchait pas de revenir vers nous les fois suivantes.

Je marchai en pensant à tout cela. Il m'apparaissait étrange qu'Agathe s'intéresse au seul gars qui ne s'intéressait pas à elle. Surtout que j'avais été assez explicite et je n'étais pas aveugle. Sa façon d'être me mettait mal à l'aise. Je me demandais de plus en plus ce qu'elle cherchait. Je n'étais pas inintéressant, mais pas non plus exceptionnel. Je montai dans le bus avec un regard vague. Je me réveillai d'un seul coup en voyant Agathe dans une alcôve entre deux sièges. Il était trop tard pour sortir du bus, et trop tard pour l'esquiver. Elle releva la tête et m'adressa un sourire. Bien à contrecœur, je lui adressais un bref salut.

- Salut Ismaël ! Me lança-t-elle. Je ne savais pas que tu prenais cette ligne !

- Moi non plus, dis-je, sans cacher mon mécontentement. La prochaine fois, j'en prendrais une autre !

Ayant déjà pris l'habitude de ma répartie cassante, elle eut un petit sourire.

- Pas besoin, dit-elle. Je ne prends pas celle-ci, d'habitude. J'étais juste dans le centre-ville pour acheter des Cds.

- Les gens achètent encore des CD ? Répliquai-je.

- Les gens normaux, non, dit-elle avec un clin d'oeil. J'aime bien écouter de la musique sur ma chaîne. Le son est bon.

- Tu m'en vois ravi.

J'avais beau tenter d'être exécrable, elle avait titillé ma curiosité. Qu'écoutait-elle comme musique ? Elle était d'apparence rebelle et superficielle, le genre de filles qui se donne un genre pour être remarqué. A tous les coups, son genre de musique ne devait pas voler bien haut ... Je jetai un coup d'oeil dans le sac en plastique qu'elle tenait et demandai :

- Je peux ?

Elle acquiesça, quoiqu'un peu déstabilisée. Je sortais des CD de rock britannique et de musique traditionnelle. Je lui lançai un regard, agréablement surpris. Elle haussa les épaules.

- J'étais loin de penser que tu écoutes ce genre de musiques, dis-je.

- J'ai bien d'autres talents cachés, susurra-t-elle.

Et voilà qu'elle recommençait. Je levai les yeux au ciel, me retenant de lâcher une remarque cinglante. Lorsque nous arrivâmes à l'arrêt de la fac, une femme en béquilles se leva et Agathe lui passa devant sans attention. La femme la regarda outragée et lança :

- Vous pourriez faire attention !

- Je pourrais en dire de même, répliqua Agathe. Pour avoir une jambe cassée, c'est soit un accident grave, soit un accident stupide et vu votre cas, je pencherais pour la deuxième option.

Avant même que quiconque puisse réagir, elle sortit du bus d'une démarche nonchalante. Abasourdi, j'aidai la femme à descendre et la rattrapai un peu plus loin.

- Tu es sérieuse ? m'estomaquai-je. Tu a failli la faire tomber !

- Quelle idée de prendre les transports en commun avec un jambe cassée ! Me répliqua-t-elle.

- Elle fait ce qu'elle veut ! m'énervai-je. C'était trop demander d'au moins t'écarter pour la laisser passer ?

- Oui, répondit-elle du tac au tac. Désolé, Ismaël, certaines personnes sont gentilles, d'autres pas. C'est la vie !

AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant