Agathe

Chapitre 5

Je revins à la fac quelques jours plus tard, en gardant un pansement sur ma plaie. Les garçons voulurent savoir ce qu'il m'était arrivé mais je restais très vague. Je les laissais avoir des suppositions plus farfelues les unes que les autres, encaissait celles qui se rapprochait dangereusement de la vérité, même s'ils le disaient en plaisantant. Agathe n'était pas revenue à la fac. Une semaine passa. Ma blessure laissa une marque rosâtre. Le temps sembla passer comme si Agathe n'avait jamais existé et si cette marque n'avait pas été là, j'aurais cru que j'avais rêvé. Plus le temps passait, plus j'avais envie de la revoir. Ça en devenait viscéral. Je voulais comprendre, la comprendre. Au moment où je perdis espoir, elle réapparut enfin.

C'était un mardi. J'étais assis sur une table au milieu de la salle 108 , où le cours commençait dans quelques minutes. Tim n'était pas encore arrivé, et Ben et moi discutions d'un devoir à rendre en groupe pour la semaine suivante. Je tournais la tête pile au moment où elle entra dans la salle. Agathe se figea, m'avisa et tourna aussitôt les talons. Je me levais précipitamment, faisant sursauter Ben. Je m'en fichais des on-dits, des rumeurs et des commentaires mais il fallait que je la rattrapes ou ça serait la dernière fois que je la verrais. Je fonçais dans les couloirs pour la rattraper. Avant même que je puisse toucher son épaule pour la retenir, elle se retourna et me plaqua contre le mur. Je sentis une lame contre mon ventre. Je levais les mains en l'air en signe de paix.

- Si tu cherchais à m'attraper, sache que tu n'y arriveras jamais, persifla-t-elle. Je te tuerais avant.

- Tu m'as déjà dit ça, et je suis pourtant encore en vie, lui fis-je remarquer.

La lame s'enfonça un peu, déchirant mon tee-shirt.

- Ne me provoque pas trop, Ismaël, m'avertit-elle. Que fais-tu là ? Pourquoi me cours-tu après ?

- Je voulais te revoir, avouais-je, jouant la carte de la sincérité.

- Pourquoi faire ?

- Je suis juste quelqu'un de curieux et de têtu.

Elle m'observa longuement.

- Tu n'en as pas parlé.

Ce n'était pas une question mais une affirmation.

- Non, répondis-je. Ni à Tim, ni à Ben, ni à la police, personne.

- C'est pourtant ce que tu aurais du faire, nota-t-elle. C'est comme ça que les gens agissent d'habitude.

- Je ne suis pas quelqu'un d'habituel, répliquais-je. Et je savais que si je le disais à qui que ce soit, je ne te reverrais pas.

Elle enleva sa lame de mon ventre et s'écarta d'un pas.

- Tu es stupide, Ismaël, et tu ne dois pas avoir la notion de survie, remarqua-t-elle. J'ai voulu te tuer.

- Mais tu ne l'as pas fait, et à moins que je ne me trompe, ça n'est pas dans tes habitudes non plus. Ça m'intrigue.

- Que ça ne t'intrigue pas trop, cracha-t-elle. Ou tu le paierais cher de ta vie ! Je n'ai peut-être pas réussi à te tuer cette fois-ci, mais si tu me mets trop en colère, je n'aurais aucune pitié. Ne t'approche pas de moi !

- Ok, dis-je précipitamment. Je ne t'approche pas. Mais tu vas rester à la fac, non ? Puisque je ne dirais rien !

Elle renifla de dédain et commença à s'éloigner.

- Je te vois demain ? Lui criais-je.

Elle ne répondit pas.

***