XI. Dysphorie

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Tous les jours, sa capuche sombre est remontée sur sa tête. Elle cache son regard, ses iris bleus pourtant si beaux lorsqu'il était petit, aujourd'hui emplis de larmes. Larmes de tristesse, de colère, de désespoir, larmes de détresse que personne ne perçoit. Mais il en a honte aussi. Il a honte des traînées humides qu'elles laissent sur ses joues pâles. Il ne supporte plus que ses larmes soit incomprises, invisibles et critiquées. Les autres lui disent qu'il a tout pour vivre heureux et qu'il n'a pas de raison de se plaindre de sa vie. Ou plutôt, qu' « elle » n'a pas à se plaindre. Ces mots lui font mal. Personne ne peut le comprendre. Les autres sont chanceux. Les autres ne souffrent pas tel que lui souffre à chaque seconde de sa vie. Lui ne supporte l'image de son corps nu que lui renvoie le miroir. Il ne supporte plus ces formes et ces courbes qu'il essaye de cacher. Il bande son immonde poitrine déjà couverte de plaies. Sa haine de lui-même est grande, plus importante chaque jour qui passe. Dans la glace face à lui, il s'observe. Il voit ces griffures qui strient ses jambes et ses hanches bien trop apparentes et trop courbes à son goût. Et cette poitrine qu'il voudrait arracher. Alors, il cherche encore à punir un peu plus son corps d'avoir tous les attributs féminins.

Enfant, il s'aimait bien, de l'extérieur, presque rien ne le rapportait à une fille. Même ses cheveux longs avaient été coupés. Puis est venu le temps de l'adolescence et avec lui, les changements radicaux de sa silhouette qui la lui ont fait haïr.Devant ses filles qui se pavanaient, faisaient tout pour mettre en valeur des formes que lui, ne pouvait accepter sur son propre corps, il s'était mis à rêver ouvertement de la corpulence si parfaite de son frère. Il essaya de parler de cette impression constante de ne pas être en harmonie entre sa conscience et son corps. Mais personne ne l'a compris ou a essayé de le comprendre, tous le voyait comme quelqu'un d'étrange, de trop différent pour leur monde. Il s'est retrouvé de plus en plus seul. Seul avec sa conscience et un corps dont il ne voulait plus. Des entailles de plus en plus profondes ont peu à peu recouverts la surface de ses bras. La douleur physique n'est plus rien face à celle qui prenait de plus en plus de place dans son âme.Il a commencé à cacher son corps sous des pulls larges et sombres. Sa mère, dont il était jadis si proche et si complice se mit à lui faire maintes reproches. Elle le traînait dans des boutiques de prêt-à-porter féminin et lui demandait si il voulait prendre ceci, et pourquoi tu ne prends pas cette robe, elle t'irai si bien, cesse donc de porter les vêtements de ton frère, tu me fais honte ma fille ! Ces remarques le blessaient au plus profond de son être, le brisaient et l'émiettaient lentement.

Son esprit lui criait que son âme n'avait pas trouvé le bon corps. Mais le monde ne serait jamais prêt à l'accepter. Il avait le poids des codes infernaux de cette maudite société qui pesait lourdement sur ses épaules, ils l'empêchaient d'être qui il se trouvait être. Il n'en pouvait plus. Il était à bout de souffle. A court d'énergie. Il ne supporte plus ces remarques, ce rejet, ce corps et cette discordance entre la petite lettre sur la carte d'identité et ce que martèle sa conscience. Ses plaies et ses larmes ne riment plus à rien aujourd'hui. Il veut trouver la paix avec lui-même. Il veut partir. Si le monde autour ne parvient pas à le comprendre, autant que cette maudite planète se passe de lui.

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