XIV. Ce Sentiment

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Cette impression est revenue dans son corps après un long temps d'absence qui lui a pourtant paru si bref.

Elle le ressent pleinement désormais. Il est là. Sur chaque parcelle de peau. Jusqu'au bout de ses doigts. Dans chacune de ses cellules. Il se mêle au sang rouge dans ses violette veines. Il est omniprésent. Ce sentiment d'inutilité. Refoulé des mois durant, presque disparu, elle croyait en être venue à bout. Elle se trompait.

Pourtant, c'est comme si il s'était paisiblement endormi durant plusieurs mois, la laissant enfin respirer, après plus de deux ans à dicter ses dires et actes. Elle avait appris à vivre à ses côtés au fil du temps. Comme si il l'avait toujours habité, elle avait oublié ce qu'était la vie sans son poids.

Mais un jour. Il disparu. Jamais elle ne s'était sentie si légère. Elle oublia les autres, le reste. Une seule chose comptait à ses yeux et envahissait désormais sa vie, comme lui avant. Cette chose la faisait se sentir vivante, vraie, réelle. Il l'avait quittée, laissant place à la liberté d'être et de vivre, enfin. Elle n'avait jamais sentit telle puissance de bonheur. Son corps n'était que joie. Elle respirait joie, marchait joie, mangeais joie, vivait joie. Jamais elle n'aurait souhaité que cela s'arrête. Elle désirait une vie éternelle ainsi. Dans ces moments, elle oubliait le sentiment d'inutilité.

Lui, en revanche, ne l'avait pas abandonnée. Toutes les bonnes choses ont une fin. Bonheur aussi rapidement qu'il était entré dans sa vie. Tel un ange blanc, ses ailes furent coupées, elle chuta et heurta violemment le sol. Elle tenta vainement de redécoller. Mais ses plaies la faisaient bien trop souffrir.

Le non-sens finit par l'entourer petit à petit. Elle ne comprit plus cet univers étrange dans lequel elle n'évoluait plus. Et ce sentiment revint alors. Il l'envahit si rapidement, elle n'avait plus la force de se battre contre lui. Elle l'accueillit comme un vieil ami. Il reprit sa place de roi en elle. Il était si puissant à présent, rien ne pouvait lui résister, ce pauvre ange à bout de force tombé du ciel ne fit pas exception.

Sa vie ne ressemble plus à grand chose aujourd'hui. Elle avance car s'arrêter ou revenir en arrière n'est pas envisageable. Ce n'est plus elle. C'est l'inutilité à la forme humaine. Elle n'a pas de but. Ses côtes ne sont qu'une cage vide. Trou noir dans sa poitrine. Toutes ses émotions l'ont quitté. Elle ne ressent plus rien. À part lui, ce sentiment qui ne fait que l'habiter depuis que son bonheur s'est évaporé. Il est comme un habitant de son âme, saupoudrant de sommeil le reste. Il ne reste que lui. Il est là et cette fois ci, rien ne semble assez grand pour le dissiper.

Mais elle s'y fera. Avec le temps, elle s'accoutumera à sa présence tenace et se laissera grignoter petit à petit par lui. Comme avant.

Écrit le 18.11.2019

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