Pardon

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J'ai vraiment du mal à me remettre du week-end passé. On est mercredi, mais j'ai encore envie de m'endormir sur ma table. Puis, on va dire que le cours n'est pas passionnant. Surtout que Théo me fait fortement la tête. Il ne m'adresse plus du tout la parole. Je me retrouve à nouveau seule la plupart du temps. Sauf le midi, Justin vient manger avec moi. Et j'avoue que même si Théo me manque, ça me fait plaisir. On n'a pas reparlé de cette après-midi au lac. Je ne crois pas que l'on soit en couple, enfin, je n'en ai pas l'impression.
À la sortie du cours, je me fais attraper le bras alors que j'allais sortir de la salle. C'est Théo.
- Salut. Il faut qu'on finisse le travail de groupe. Quatorze heures chez moi.
Il repart tout aussi vite, me laissant interloquer. J'avais oublié cette histoire de travail... J'aurais préféré rentrer chez moi pour dormir, mais apparemment ce n'est pas aujourd'hui que je vais me reposer.

À 14 heures moins 10, je suis devant la porte de Théo. Je n'ose pas sonner. J'ai peur de comment ça va se passer entre nous. Soudains la porte s'ouvre et le jeune homme se tient devant moi, droit comme un I.
- Tu comptais rester combien de temps devant ma porte ? Bref. Entre.
- Heu... O-okay...
Je le suis, mais contrairement à la dernière fois, on ne s'installe pas dans sa chambre, mais dans le salon. Il sort ses affaires et me tend une feuille.
- C'est le plan que j'ai fait. Toi, tu liras le texte et après, je l'expliquerais.
- Pourquoi c'est toi qui décides tout ? Je demande.
- Parce que... Tu as surement grillé tous tes neurones avec l'alcool.
Je le regarde en fronçant les sourcils. Lui, pourtant, me sourit. À quoi il joue ?
- Très drôle. Je suis encore capable d'expliquer un texte.
- Oui, mais non, tu liras le texte. Je suis sûr que tu y arriveras très bien.
Je soupire et prends le texte en main pour le relire. Soudain l'évidence me saute aux yeux.
- Tu veux que je lise parce que c'est un texte qui parle du deuil ?
- Bah, heu oui. Ça m'étonne que tu ne l'aies pas compris plus tôt.
Alors là, je reste sur le cul.
- C'est tout ce que je suis à tes yeux ? Une fille qui a perdu son papa ?
Je détourne les yeux, clairement dégoutée. Je ne veux pas qu'on me voit juste pour ça. Je suis tellement plus que ça.
- Mais non ! S'écrit-il. C'est seulement que comme tu connais le deuil, alors tu auras la bonne émotion pour lire ce texte. Ne me prête pas des pensées que je n'ai pas s'il te plait...
Il pose sa main sur mon bras. Je ne la retire pas, mais je lui lance un regard noir. Il se fout de moi ? Il me fait la gueule depuis trois jours, parce que monsieur n'est pas capable d'assumer complétement ses sentiments et là, il veut faire le gentil ?
- Aby... Ne le prends pas comme ça... Je m'excuse pour la soirée... Ce n'était pas cool de te faire un coup bas comme ça. Je suppose que tu n'as plus de nouvelle de Justin...
Je ricane doucement.
- C'est gentil de t'inquiéter après coup, dis-je d'un ton aigre. Et sache que non, il n'a pas du tout arrêté de me parler. Parce que c'était ton but ?
- Non ! Tu ne comprends rien ! Je t'ai présenté mes excuses, ça ne te suffit pas ?!
- Mais là n'est pas le problème !
Je me lève d'un bond et commence à faire des allers-retours dans la petite pièce.
- Pourquoi tu ne m'as pas dit tout de suite tes véritables attentions en m'invitant à cette soirée ? Forcément, tu m'as dit que la moitié des choses ! Moi, je pensais y aller avec mon ami ! Pas avec... Avec...
Je ne trouve pas mes mots et me laisse retomber sur le canapé.
- Calme-toi, déclare-t-il. Oui, j'aurais dû te le dire plus tôt. Mais je ne pensais pas qu'un autre garçon était aussi dans le jeu !
Et voilà que maintenant, c'est lui qui s'énerve. La session travail est complétement oubliée.
- Je ne pensais pas que je devrais me battre avec un autre garçon, c'est tout. Sinon j'aurais encore plus mis le paquet.
- Non mais tu t'entends parler ? Je ne suis pas le prix d'un stupide jeu concours hein.
- Ce n'est pas ce que je voulais, se reprend-il. Mais... Je pensais que l'on se comprenait. Parce que l'on vivait la même chose, on était tous les deux autant dans le mal... Mais je me rends compte que tu n'es pas comme moi...
- Comment ça pas comme toi ?
- Bah... Il cherche ses mots. On se comprenait dans notre tristesse. Dans notre mal-être. Et ça me faisait du bien de savoir que je n'étais pas le seul. Mais finalement, j'ai l'impression que je me retrouve tout seul, encore une fois.
Je détourne le regard, par la fenêtre.
- Théo... Oui, on vit des choses qui sont semblables. Et moi aussi ça me fait du bien. J'ai l'impression de sortir la tête de l'eau. De sortir de ma bulle. Je me sens mieux, j'ai à nouveau envie de sortir et de faire des choses. Tu ne peux pas m'en vouloir de ça. Et ce n'est pas parce que je vais mieux, que je vais te laisser tomber. Je vais t'aider à aller mieux aussi.
Je me tourne vers lui et je le vois jouer avec la manche de son pull.
- C'est adorable ce que tu me dis là Aby, commence-t-il. Et je continuerai de te parler comme je le fais. Mais il va falloir que tu me laisses le temps de laisser partir mon coup de cœur pour toi. Parce que je pense bien qu'entre le garçon dépressif et le garçon populaire, le choix est vite fait.
Je me mords la lèvre.
- Je n'ai jamais dit ça voyons. Je ne sais même pas indiquer si j'en aime un plus que l'autre...
Son regard s'illumine et il redresse la tête.
- Donc tout n'est pas perdu ? J'ai encore mes chances ?
Je ne réponds pas et lui fait un sourire. Je ne veux pas le faire souffrir.

Plic-Ploc [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant