Chapitre 2

11 1 0
                                    


     

     Au-delà de la demeure s'étendait des plaines recouvertes d'arbres rougeâtres à perte de vue. Les montagnes, de leur sommet poudré de neige, envahissaient le lointain horizon. Plus près dans la forêt, des ruisseaux laissant porter sur leurs eaux des petites feuilles vers le rivage. Le son de cette eau, frappant les rebords rocheux et soulevant les petites pierres sur son passage, nous procurait une sensation de mélodie à l'ouïe comme aucune autre.

     Elle était enfin devant. « Enfin ... ». Tout ce qu'elle avait à faire était de l'ouvrir. Mais...si ça bouleversait le cour des choses. Si ça changeait sa vie. Ou...la détruisait ! Elle avait peur. Une peur profonde enfuit en elle. Un mal qu'elle cachait et qu'elle ne pouvait révéler. Tout était perdu d'avance ou... restait-il un espoir ?! La peur la gagnait, l'emprisonnait dans son ombre jusqu'à être entièrement submerger par l'obscurité.

     La grande porte s'imposait devant elle ; dessinant ces contours nettement à ses yeux. En dessus d'elle le vide se dressait. De là où elle était, elle voyait le chemin zigzagant qu'elle avait traversé tant de fois auparavant.

     Depuis toute petite déjà, elle regardait de loin le serpentant chemin.


     Evange se réveilla, sa tête lui tournait. Elle s'assit sur le bord de son lit, ces pieds pendant laissant une ombre. Elle était mal. Tout bougeait autour d'elle, les meubles, les murs, le sol. Elle mit un pied parterre puis suivit de l'autre, mais aussitôt les deux pieds poser qu'elle vacilla. Tout son corps faible gisait sur le parquet en bois recouvert d'un tapis médiéval aux couleurs sombre et aux broderies faites mains. Elle voyait, tout ce qui l'entourait, flou. Evange voulu se lever mais elle en était incapable. Elle rampa donc jusqu'à sa table de chevet pour si accrocher et ce mettre, tant bien que mal, sur ces deux jambes fines.

     La jeune femme ne savait pas la cause de cette fatigue et de ce soudain malaise.

     Elle s'agrippa aux murs des couloirs pour atteindre la grande salle d'eau.


     Pendant qu'elle prenait un bain chaud aromatisé aux fleurs de lotus provenant tout droit de l'Inde antique et qui avait été merveilleusement bien conservé, lui procura un bien-être revitalisant. Après une nuit cauchemardesque et mouvementé cela lui fit le plus grand bien. Son corps, sous cette couche d'eau parfumé, semblait revivre et reprendre les quelques couleurs qu'il lui restait. Ses cheveux, mouillé, gisait derrière son dos et sur le sol à qui était à hauteur de ses épaules. Ses yeux, fermés, empêchaient la faible lumière provenant des vitraux ternes et poussiéreux d'atteindre ses pupilles. Evange était plongé dans une baie attitude dont elle n'avait pas gouté depuis une éternité. Que de plaisir et d'harmonie s'installait en elle.


     Le retentissement des petites gouttelettes tombant sur le sol de marbre de cette vaste salle d'eau procurait la sensation d'un vide absolu et lointain. La résonance frappait les parois des murs coulissant de cette fine couche humide pour aller, par la suite, résonné dans les couloirs de l'immense demeure sans bruit.


     La jeune femme, dans ce néant de solitude et de quiétude, se laissa couler dans le bain. Quand le sommet de son crâne fut engloutit par l'abîme de cette eau aromatisé, elle put enfin absorber « la vie », « l'univers » tout entier.

     Après un cours moment de bien-être absolu, elle fut tirée vers le haut par des mains puissantes qu'elle reconnut parmi des milliers. Sa sérénité avait été totalement rompue.


     Dans les interminables et infinissables couloirs de la forteresse dépourvu de lumière, des cris retentirent et se fracassèrent sur les murs épais de pierres rocheuses polies. Seuls ces hurlements de colère, de reproche animèrent la grande demeure.

     La jeune femme était hors d'elle, furibonde, hystérique, ce qui ne la caractérisait pas du tout. De nature calme et silencieuse mais tout de même gracieuse sans pour autant se laisser manipuler et guider par autrui. Elle avait laissé prendre place un monstre, une bête prêt à bondir sur sa proie.

     L'homme la suivait à pas rapide tellement celle-ci allait vite. Evange, les poings serrés, avançait sans se retourner ni prêter attention à son suiveur, qui l'agaçait déjà bien trop. Celui-ci, toujours sur ces pas, lui cria de s'arrêter et de l'écouter. Mais elle n'en fit rien. Elle continua jusqu'à sa chambre et s'enferma avant que l'homme ne puisse la suivre à l'intérieur. 

Obscur RayonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant