Les couloirs de l'académie sont bondés de monde. Les élèves circulent, parlent, s'embrassent, sans que personne ne me remarque et c'est étrange. Depuis que je suis née, j'ai l'habitude que les gens se retournent, me regarde, m'envie et m'admire, par mon seul titre, par ma seule famille. Mais ici, je ne suis personne, ou plutôt, je suis une madame tout-le-monde. Et c'est étrange. Déstabilisant.
J'ignore comment me comporter, j'ignore quoi faire, quoi dire, et je ne sais pas où aller afin de rejoindre ce fichu cours d'art. Les couloirs et les portes sont les mêmes, seuls les tableaux changent de temps en temps, et c'est uniquement grâce à cela que je me repère du mieux que je peux. Je décide finalement d'escalader les grandes marches des escaliers, je verrais bien où cela me mène.
La réponse ? Nulle part. Encore des couloirs à la peinture crémeuse, et des dalles en marbre. Les élèves sont les mêmes, les portes sont les mêmes et je ne sais toujours pas où est cette salle !
Je me pose sur un banc, et regarde de nouveau mon emploi du temps et le plan de l'académie. Bien sûr, il faut que ma salle soit au re-de chaussé alors que j'ai monté trois étages. Ras le bol de ces marches, je reste où je suis, et tant pis si je rate un cours, je ne dois pas être la seule à le faire. Je rejoins l'un des balcons du couloir, pour m'y asseoir et me calmer cinq minutes. Il est vide, heureusement pour moi.
Je m'assois près de la rambarde à même le sol, et ouvre l'un des livres que je garde précieusement dans mon sac et l'ouvre là où je m'étais arrêtée.
Impossible de lire, les mots s'entrecroisent, et je n'arrive pas à suivre ce que je lis. C'est bien simple, ce n'est qu'une suite de mots qui n'ont aucun sens. Je referme le livre d'un coup sec, comme si ça pouvait évacuer ma frustration.
J'inspire j'expire.
J'inspire, j'expire.
Encore et encore, jusqu'à ce que mes tremblements cessent. Ça m'arrivent de plus en plus souvent ces temps-ci. Mon professeur d'arme m'a dit que c'était des petites crises de paniques et tout ce que je peux faire pour que ça s'arrête, c'est de me concentrer sur mes respirations. Elles sont rapides au début, et puis, elles deviennent de plus en plus espacées, plus calme, et c'est là que je ne sens plus mon cœur marteler ma poitrine.
En plus de cela, je me concentre sur les rayons du soleil qui caressent ma peau, les derniers. Les feuilles commencent déjà à prendre une teinte brune et à se décrocher doucement des arbres. Le vent se lève certains jours, et les températures baissent de jour en jour. L'automne arrive et ce n'est pas pour me déplaire. En général, j'aime cette saison, parce que c'est celle où l'on passait de plus de temps avec ma famille. Mes parents sortent moins, la saison des mondanités se terminent et les soirées au coin du feu se multiplient. Mais cette année, je me sens maussade, triste, sans réel plaisir.
Ma famille me manque. Et ça ne fait qu'un mois que nous avons été séparés, et d'après ce que l'on m'a dit, je ne pourrais même pas passer les fêtes d'hiver avec eux, c'est encore bien trop dangereux. Je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour eux ; mes parents, mes sœurs, mon frère, sont-ils dans le même état que moi ? Pour Lyla, je pense que c'est pire, elle est de nature à stresser pour un rien. Quant aux jumelles et Noah, je me rassure en me disant qu'ils ont encore l'innocence des enfants, ils ne se doutent de rien et pour eux, ce sont comme des vacances à durées indéterminées. Sauf que ça ne l'est pas. Ce ne sont pas des vacances, c'est juste une solution pour nous éloigner le plus loin possible de la guerre, des armes, des villages mis à feu et à sang. Je ne sais même pas si je pourrais y retourner un jour, je ne sais même pas, si mes parents seront encore en vies dans quelques semaines.
-C'est mon balcon, m'interrompt une voix.
J'ouvre les yeux immédiatement et tombe sur un jeune homme à l'entrée du balcon. Les bras croisés sur son torse, il n'a pas l'air content de me voir, mais pas du tout.
Attendez, son balcon ?
-Je... euh... bégayé-je. Je suis désolée, mais je crois que...
-C'est mon balcon, répète-t-il imperturbable.
Je reste bouche bée. En temps normal, les autres ne me parlent pas comme ça, au contraire, ils n'osent pas parler. Mais ici, et aujourd'hui, je ne suis pas la princesse héritière d'un royaume. Non, là je suis la nouvelle, sans aucune histoire et aucune identité.
-Pardon ?
Oui, c'est le seul mot que j'ai réussi à sortir de ma bouche.
-Il y a plein d'autre balcons dans cette académie, mais celui-là, c'est le mien. Alors, sans vouloir te commander, bouge. Va-t-en.
Il dit cela avec une telle désinvolture, que je n'arrive pas à savoir ce qu'il ressent - colère, surprise, tristesse - c'est extrêmement perturbant. Je ne suis déjà pas douée en relation humaine, mais alors lui, il me pose une colle.
-Je suis... je suis perdue, c'est le seul balcon que j'ai trouvé, réussis-je à dire.
-Tu prend le couloir jusqu'à la salle d'histoire de Madame Label, et tu tournes à gauche, il y en a un autre tout au fond.
Je le remercie d'un hochement de tête, mais je suis incapable de bouger. Pourquoi est-ce que je ne peux pas bouger !
-Ne me dis pas aussi que tu as perdu l'usage de tes jambes, souffle-t-il en se pinçant l'arête du nez.
D'accord, donc là il est clair qu'il en a assez de me voir, ce qui est vexant.
-Non, je n'ai juste pas envie de bouger. Je suis bien ici.
C'est bien, je reprends un peu d'assurance, ce qui commence à l'énerver. Il s'approche de moi et s'agenouille pour être à ma hauteur.
-C'est quoi ton nom ?
-Mirabel, répondis-je du tac au tac.
-Eh bien Mirabel, je t'annonce qu'ici, c'est le balcon où je fais ma sieste après l'heure du déjeuner et avoir quelqu'un qui m'espionne m'empêche de dormir.
-Je ne vois pas en quoi je dérange. En réalité, c'est plutôt vous qui me dérangez.
-Vraiment ?
-Vraiment, confirmé-je.
Les machines sont lancées, je ne peux pas m'arrêter en si bon chemin !
-Je vais t'apprendre un truc Mirabel, ici, c'est la loi du premier servis qui règne. Je suis le premier à avoir squatté ce balcon, il est donc à moi. Alors, je te demande gentiment de partir d'ici, ou alors, je peux employer l'autre moyen.
-Lequel ?
Apprend à te taire Thalia.
-Je vais te pourrir ton année. Purement et simplement.
Ce ne sont que des menaces en l'air. Il n'a que douze ans, peut-être treize, que pourrait-il faire de pire que ce que le royaume de Sercë fait subir en ce moment à mon peuple.
Rien.
Alors, je reprends mon livre avec mon plus beau sourire, et me replonge dedans - pour de vrai cette fois - sous le regard noir de ce garçon. Je sens que je vais avoir du mal à me faire des amis.
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heyy! Alors oui, je sais, encore un chapitre qui est court, mais je commence petit à petit la réecriture, et c'est pour cela. Les chapitres mettent aussi du temps à arriver, mais c'est parce que je ne me force pas à écrire ( si j'ai pas envie, je ne l'ai fait pas), ce qui me permet de mieux écrire en soit.
Bref! Je vous promets que les prochains seront plus longs, mais aussi plus intéressants!
A plus!
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𝐊𝐢𝐧𝐠𝐝𝐨𝐦𝐬
FantasiaAprès avoir passé plusieurs années dans une académie, caché de tous, Thalia, la belle héritière du trône se doit de retourner à la cour. Elle aurait pu être heureuse de retrouver sa famille, mais comment les aimer lorsqu'on les connait à peine? Tout...