Appartement 3 : chez les LAGER-MARU, M. MARU et Antonin LAGER

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M. MARU : Antonin. On peut se parler cinq minutes ?

ANTONIN : J'ai fait quelque chose ?

M. MARU : Non. J'aurais juste aimé savoir ce que tu en avais fait.

ANTONIN : Ce que j'ai fait de quoi ?

M. MARU : Tu sais bien. Des chewing-gum...

ANTONIN : Je les ai jetés.

M. MARU : Vraiment ? Je croyais qu'ils avaient une valeur symbolique pour toi.

ANTONIN : Tu sais bien... Je les gardais parce qu'ils venaient de Grace. C'était la seule chose que je pouvais avoir d'elle. Mais, maintenant, j'ai son rire tout les jours dans mon oreille. Alors je n'ai plus besoin de ses restes de chewing-gum.

M. MARU : Ça fait vraiment drôle de te voir amoureux.

ANTONIN : Parce que tu n'étais pas ridicule, toi, quand tu es tombé amoureux de Maman ?

M. MARU : On est généralement plus ridicule quand on tombe amoureux à treize ans qu'à trente-cinq.

ANTONIN : Au contraire. Moi, j'ai treize ans, alors j'ai le droit d'être ridiculement amoureux. Si j'avais voulu faire un cœur de tous les chewing-gum usagés de Grace et le lui offrir, j'aurais pu. Ça serait passé, parce que j'ai treize ans alors j'ai le droit d'être bête. En fait, Grace aurait peut-être trouvé ça dégoûtant, ou bien trop niais, alors je ne l'ai pas fait. Mais si je l'avais fait, à mes trente-cinq ans j'aurais pu y repenser en souriant de mes bêtises d'adolescent. Alors que, faire un truc pareil à trente-cinq ans, ça semble plus difficilement imaginable.

M. MARU : Je n'ai jamais fait quelque chose de si ridicule que ça. Et puis, même si ça avait été le cas, je ne vois pas comment tu pourrais t'en souvenir. Tu avais quoi, quatre ans ?

ANTONIN : Parce que tu crois que tu n'as été amoureux de Maman qu'au moment de votre rencontre ? Tu l'es toujours, et tu fais toujours des trucs ridicules.

M. MARU : Comme quoi par exemple ?

ANTONIN : Comme être jaloux de mon père, par exemple.

M. MARU : Tu crois vraiment être celui avec qui je parlerais de ça, Antonin ?

ANTONIN : Je suis exactement la bonne personne pour parler de ça. Parce que si, même moi, je te dis que tu n'as pas de raison, c'est qu'il n'y en a pas. Je suis celui qui devrait prendre son parti, non ? Mais ça se voit qu'ils ne s'aiment plus, Maman et lui.

M. MARU : Quand tu seras plus grand, tu comprendras que ce n'est pas parce que deux personnes se crient dessus qu'elles ne s'aiment plus.

ANTONIN : Je le sais bien ça. Et tu sais quoi, peut-être même qu'une petite partie de Papa est encore amoureuse de Maman, et que c'est pour ça qu'il a toujours l'air si énervé contre elle et qu'il prend la mouche à chaque chose qu'elle dit. Ce n'est pas de ma faute si vous êtes si bêtes, vous les adultes, quand vous êtes amoureux : pire que des gamins de treize ans. Mais ce qui est certain, c'est que Maman, elle, elle ne l'aime plus du tout. Et puis, de toute façon, même si Papa il l'aime, ce n'est pas comme il faut.

M. MARU : Parce que toi tu sais comment il faut aimer ?

ANTONIN : Oui je le sais.

M. MARU : Et comment tu le saurais, à treize ans ?

ANTONIN : Parce que j'ai grandi auprès de toi.

M. MARU : Tu cherches à obtenir de l'argent, une autorisation de sortie, à avouer une bêtise ?

Ça blablate à tous les étagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant