Salut Voisine !

CHAPITRE 14

Le dîner se déroule plutôt bien. Nos parents parlent sans arrêt de travail, ou bien ils répètent qu’avoir des enfants est aussi un véritable travail. Au moins ils restent dans le même thème. J’ai découvert que le père de Reed, qui est beaucoup moins impressionnant et beaucoup plus sympa quand on apprend à le connaître, gère sa propre grosse entreprise. Ce qui explique pourquoi je ne le rencontre que maintenant, il est toujours occupé, et presque jamais chez lui. Je me demande encore plus comment fait madame Ingram pour tout gérer toute seule. Et puis la question que je redoutais le plus finit par m’être posée par le père de mon voisin qui a l’air de vouloir m’inclure à leur conversation.

- Mais dis-moi Avery, tu as déjà des projets d’avenir ? C’est ta dernière année de lycée non ?

J’aurais aimé ne jamais avoir à en parler devant eux, mais si je leur mens comme je l’ai fait avec Reed en prétendant ne rien savoir, mes parents vont tout de suite me reprendre. Je n’ai pas le choix.

- A vrai dire, mon rêve le plus fou serait d’ouvrir un magasin de vinyles. Le genre qu’on voyait partout il y a longtemps.
- Oui, Reed m’a dit que tu aimais écouter des vinyles, répond madame Ingram elle aussi intriguée. C’est rare à ton âge.
- C’est justement pour cette raison que je voudrais ouvrir un magasin, je pense que les jeunes de mon âge ne connaissent pas ce plaisir parce qu’ils ne l’ont jamais essayé. Mais juste au cas où je serais incapable de gérer un magasin à moi toute seule, je voudrais faire le tour du monde. Je sais que ce n’est pas un projet professionnel, mais je suis certaine que j’aurais beaucoup à apprendre en faisant ça.
- Tu penses à un pays en particulier ? reprend monsieur Ingram très attentif.

Ma mère répond à ma place en posant sa main sur mon épaule.

- Elle nous parle constamment du Japon. Je crois que je vais finir par prendre un billet d’avion pour y aller avec elle à force.

Seigneur non. Je l’aime plus que tout, mais faire un tour du monde avec elle serait impossible.

- Si tu venais avec moi maman tu passerais tes journées dans les magasins.

Je retire sa main en souriant, pour lui montrer que je suis capable de me débrouiller et surtout de parler sans son aide.

- Ce qui m’intéresse le plus au Japon, c’est qu’ils ont une culture totalement différente de la nôtre. On a l’impression qu’ils vivent dans un monde complètement différent qu’ils ont eux-mêmes inventé. Je trouve ça fascinant. Et puis visiter des monuments anciens et célèbres, goûter aux cuisines locales, apprendre à connaître d’autres civilisations…un tour du monde c’est comme un nouveau départ à chaque nouvelle destination. Je trouve ça fascinant.

Je jette un rapide coup d’œil vers Reed. Comme je m’en doutais, il sourit. Il a l’air d’aimer ce que je dis. Enfin je présume. Ses parents ont le même sourire. Je suppose que je suis encore allée trop loin. Je n’y peux rien quand je suis passionnée par un sujet je me lâche sans réfléchir !

- J’espère que tu pourras faire ce tour du monde, déclare madame Ingram avant de boire une nouvelle gorgée de vin.

Ils viennent de finir une bouteille et demi à eux quatre. Mais ça encore ce n’est rien. Il faut voir mes parents pendant les repas de famille. En fait, il faut voir ma famille entière. Ils ne lésinent jamais sur l’alcool.

- Au moins tu as un projet et une passion, reprend la mère de Reed. Tu me fais penser au grand frère de Reed. Maintenant il ne vit plus chez nous, mais quand on l’avait à la maison, c’était un vrai plaisir.

Je vois bien que la tournure de la discussion ne plaît pas vraiment à mon voisin qui fixe son assiette en serrant la mâchoire. Et ma mère qui relance le sujet…