CHAPITRE 20

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Je n’ai pas accepté. En tout cas pas maintenant, j’ai besoin de réfléchir, j’ai besoin de temps. Je ne peux pas prendre une décision de la sorte à la légère. Aider Alice reviendrait à m’impliquer officiellement dans cette histoire de dingue, et donc à m’introduire dans la vie privée de leur famille. Je ne veux pas faire n’importe quoi. Je n’ai rien dit à mes amies. J’estime que je dois garder ça pour moi, par respect pour Reed et sa famille. Je ne suis pas une commère sans principes. Le week-end est passé, et je n’ai toujours pas fait mon choix. Je n’arrête pas de repenser à tout ce que m’a dit Reed, à tout ce que m’a révélé Alice, et rien à faire, je n’arrive pas à faire le vide dans mon esprit pour me concentrer. Ça remet tout en question pour moi. On a tendance à croire que ce genre d’histoire n’arrive qu’aux autres, mais on a tort. Alors ce soir-là, alors que je regarde la télé avec mon père, le temps que ma mère prenne sa douche, je décide d’être directe avec lui.

- Papa est-ce que tu as déjà trompé maman ?

Mon père se tourne vers moi surpris et perplexe.

- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Je suis curieuse. On étudie un livre qui parle de tromperie en ce moment au lycée.

Très mauvais mensonge improvisé, mais il fonctionne auprès de mon père. J’ai de la chance qu’il soit aussi dupe. Il coupe le son de la télé un instant, puis se tourne complètement vers moi avec un air grave que je ne lui reconnais pas.

- Oui. Quand nous étions jeunes ta mère et moi, je l’ai trompé. C’était bien avant ta naissance, et ça a été la plus grosse erreur de ma vie. Elle a fini par le découvrir et m’a détesté pour ça. Je me suis aussi détesté. Mais on a fini par mettre les choses au clair, et on s’est réconciliés. Ce que je ne regretterai jamais, puisqu’on s’est mariés, et qu’on a eu la chance de t’avoir. Je suis désolé de ne pas te l’avoir dit plus tôt. J’avais peur de ta réaction. Que tu me détestes.

Alors mes parents aussi ont dû faire face à ça. Et ma mère a pardonné à mon père. James aussi a pardonné à Alice. Je sais qu’aucune de ces deux histoires n’est comparable à la mienne avec Reed, mais je sais ce qu’il a ressenti maintenant. Comme mon père il avait peur que je le déteste, que je vois quelqu’un d’autre que celui que j’ai toujours eu en face de moi. Mais si j’arrive à supporter cette révélation de mon père, je peux aussi le supporter pour lui. Je sais ce que je dois faire maintenant. Alors je me lève décidée, et je sors du salon. Jusqu’à ce que je me rappelle de mon père qui ne doit toujours être dans le canapé, complètement perdu. Alors je fais demi-tour, pour aller déposer un baiser sur son front et lui sourire.

- Je suis heureuse que vous vous soyez réconciliés. Je t’aime papa.
- Je t’aime aussi ma chérie.

Il a l’air ému, mais je n’ai pas le temps de discuter davantage. Et puis je pense qu’il n’a pas vraiment envie que je le vois dans cet état plus longtemps. Les hommes et leur fierté, je le connais. Je repars, croisant George dans le couloir. C’est comme ça qu’on a décidé de l’appeler. J’attrape sa laisse sur le meuble près de la porte pour la secouer devant lui en souriant.

- Tu veux aller te promener George ? Oui tu veux y aller.

Bon d’accord, moi aussi je suis devenue gaga de ce chien. Mais je n’y peux rien, c’est une peluche géante vivante. Il n’y a pas plus câlin que lui dans tout l’univers. Il se lève en secouant la queue pour que je l’attache et lorsque j’ouvre la porte, j’ai presque du mal à le retenir à l’intérieur.

- Je vais promener le chien !
- A cette heure-ci ?! s’étonne mon père dans le salon.
- On rentrera vite promis !

En fait, on n’ira pas non plus très loin. Je referme la porte derrière moi, et je marche pendant quelques mètres, avant de sortir mon téléphone pour envoyer un message qui reçoit très vite une réponse.

Salut Voisine !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant