Les semaines qui suivirent, je devenais un habitué de la modeste bibliothèque de Pleasant Lake. Je partais tôt de chez moi à cheval et je revenais le soir après avoir passé la journée en compagnie de Myranda.
Lorsqu'aux premiers rayons de soleil, je m'éveillais la dernière vision de mes rêves était le visage de Myranda, et lorsque je me couchais c'était le premier visage qui apparaissait dans mon sommeil. Les courts moments ou je ne la voyais pas, entre mes rêves et la bibliothèque, je me sentais envahi d'un terrible manque. Elle n'était pas toujours disponible, mais la bibliothèque n'était pas non plus des plus usitées par la population locale, j'avais donc de longs moments privilégiés, avec elle, où nous pouvions discuter. Nous parlions de littérature, d'esthétiques et d'art. Elle était grande amatrice du romantisme français : François-René de Chateaubriand, Mme De Staël, Stendhal ou Victor Hugo. Avec le temps, elle me fit découvrir également son attrait pour des auteurs plus récents et subversifs comme Charles Baudelaire ou Paul Verlaine. Pour ma part, je défendais ardemment nos auteurs porteurs d'un renouveau artistique, Nathaniel Hawthorne, Herman Melville et bien sûr Edgar Allan Poe qui avait nourri mon imaginaire et m'avait amené à écrire.
Durant ces longues semaines, je sentais en moi monter cet impérieux désir, être avec elle, entendre sa voix chaleureuse, sentir son parfum exquis et caresser sa douce peau.
Ce n'est qu'après ces quelques semaines, que nous fixions un rendez-vous chez moi afin que je lui présente mes propres travaux littéraires. Nous convenions d'un dîner le soir du 8 juillet 1891.
⁂
J'avoue que j'étais particulièrement fébrile, j'étais tremblant, hésitant. Je n'étais pourtant plus un jouvenceau, j'avais eu mon lot d'expériences amoureuses plus ou moins honorables, il faut le dire. Mais enfin, je n'avais tout simplement jamais ressenti cela auparavant. J'étais véritablement épris de Myranda, et j'avais peur de la décevoir, je ne concevais tout simplement pas de pouvoir la perdre avant d'être à ses cotés. Car je devais l'admettre sans faux semblant, je l'aimais.
Je préparais donc ce dîner avec un mélange d'impatience et de fébrilité qui ne m'étaient pas coutumier. Je faisais venir une femme de ménage, un jardinier et un cuisinier. Chaque recoin de la maison fût nettoyé et ciré, le jardin fût taillé et remis en forme, la table fût mise, le repas préparé et n'attendait que d'être réchauffé par mes soins. Lorsque les préparatifs furent terminés, je renvoyais rapidement tout ce monde avant que Myranda arrive. Dans l'attente, je m'avachissais dans le fauteuil du salon pour plonger dans une impatiente anxiété.
⁂
J'entendis du bruit provenant de l'extérieur, des sabots sur le gravier du chemin, des voix puis des bruits de pas. On frappa à la porte, j'allais ouvrir prestement et je découvrais le visage radieux de Myranda.
Ce soir là, elle était sublime, ses cheveux étaient soigneusement coiffés en deux grandes tresses remontant jusqu'à l'arrière de sa tête pour former un chignon. Se faisant son cou, sa nuque et sa figure étaient dégagés me permettant de contempler la beauté nue de son visage virginale. Ses poignets étaient ornés de bijoux de perles blanches sur de grands gants noir. Elle portait une longue robe fourreau rouge à l'encolure dégagée et légèrement bouffante aux épaules. Cette tenue épousait parfaitement son corps mince et élancé tout en laissant apparaître son décolleté. Je faillis défaillir à cette sublime vision.
Après quelques secondes, elle me salua avec son sourire espiègle, inimitable.
« Bonsoir Francis »
Je déglutis avant de répondre.
« Bonsoir Myranda, tu es... tu es... sublime »
J'étais moi-même habillé convenablement, de beaux souliers cirés, un pantalon anthracite et chemise écrue avec un gilet bordeaux de soie brodé.
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Le Journal de Francis Edward Sabael
FantastiqueLa mère de Sarah est morte la laissant seule face à ses interrogations : Qui est son père? Pourquoi l'héritage exclu la propriété Sabael? Qui était Thomas Sabael? Sarah va chercher à répondre à ses questions et découvrir la vérité de ses origines.