Chapitre 1 - Sarah

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De grosses larmes coulaient sur les joues de Sarah, Sa mère n'était plus là, et dans cette boite, entre ces quatre planches, un vide, et dans son cœur un vide encore plus grand. Sarah ne pouvait se résoudre à cette perte, il n'y avait même pas de corps. Sa mère devait pourtant être morte de l'avis de tous, un stupide accident de voiture, une chute dans le lac.

 Ses sentiments étaient confus, elle avait de la peine bien sûr, mais elle était également en colère. Comment sa mère avait-elle put lui faire ça ! Elle était sa seule famille, et maintenant Sarah était seule.

La mère de Sarah avait tout prévu pour son décès. Elle avait rédigé un testament. Les obsèques et le notaire avaient été payés. Sa mère allait être mise en terre parmi leurs ancêtres dans le cimetière du village d'Indian Lake, « un trou perdu » se dit Sarah. C'était une petite ville dans le Comté d'Hamilton à 160 kilomètres d'Albany. Sarah avait grandi seule avec sa mère, sans père et sans autre famille dans une petite maison de ville à Albany. Elles avaient eu une vie modeste, sa mère célibataire n'ayant que son salaire d'enseignante pour subvenir à leurs besoins. Mais elle avait eu une enfance heureuse, sa mère était attentionnée et elle avait fait en sorte que Sarah ne manque de rien. Sa mère avait toujours été fière d'elle, de son intelligence et de son talent artistique qu'elle avait hérité de son père disait-elle. Un père que Sarah n'avait jamais connu. Elle en voulait d'ailleurs à sa mère qui ne lui en avait jamais vraiment parlé, sauf par quelques rares allusions sur leurs ressemblances. Sarah n'avait pas eu le droit de connaître son père, pas une photo, pas de nom ou de description, rien.

Sarah sécha les larmes gelant sur ses joues engourdies par le froid. Elle détourna le regard de la tombe, un panache de respiration sortant de sa bouche. Elle regarda aux alentours, le cimetière était couvert par un linceul blanc, comme si les éléments participaient eux-même aux funérailles, seules les pierres tombales perçaient la neige pour rappeler la présence des morts. Sarah s'attarda sur les rares personnes présentes, elle les connaissait presque toutes, des collègues de sa mère, des voisins, un prétendant toujours éconduit, leur médecin de famille, et le notaire.

 Après que tous aient rendu leur dernier hommage, le groupe se dispersa rapidement pressé d'aller se réchauffer. Mr Douglas, un homme à la cinquantaine grisonnante, voisin d'Albany et amoureux toujours éconduit par sa mère, vint voir Sarah pour lui exprimer ses regrets et sa tristesse avant de partir en pleurant. Monsieur Coltrane, le notaire, dernier présent, s'avança.

« Je vous présente toutes mes condoléances Mlle Miller. Êtes-vous prête pour finaliser les formalités. »

Sarah renifla et hocha la tête, la gorge trop serrée pour répondre.

Sarah et Coltrane ne parlèrent pas dans la voiture. Le trajet jusqu'à Lake Pleasant dura une bonne demi-heure et sembla particulièrement long à Sarah. Elle regarda défiler ce paysage de grands arbres décharnés sans leur feuillage. Une foule de sombres squelettes dressés de part et d'autre de la route pour rendre un dernier hommage mortuaire. Sarah laissa le morne tableau défiler derrière la vitre ainsi que le reflet de son visage larmoyant. Elle pris son téléphone et regarda ses messages sans y prêter réellement attention.

 Ils arrivèrent à l'office du notaire sans que Sarah ne s'en rende compte. Elle suivit Maître Coltrane jusqu'à son cabinet de travail, une grande pièce vitrée dans un bâtiment moderne qu'il partageait avec un autre notaire et leur secrétaire. Dans la pièce se trouvait un grand bureau en aluminium brossé sur lequel reposait un ordinateur et une petite imprimante. La salle était sobrement décorée, des diplômes au murs, quelques photos de Coltrane avec des amis à la pêche ou à la chasse. Sarah s'assit dans l'une des deux chaises faisant face au bureau de Coltrane. Sur le plan de travail se trouvait déjà une chemise de documents portant la mention Miller. L'homme ouvrit la pochette et fit mine d'en relire la première page d'un air sérieux en émettant de léger « mmm ». Il termina enfin sa petite comédie pour relever la tête.

Le Journal de Francis Edward SabaelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant