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Ignorer. C'est ce que je passe mon temps à faire. Ignorer les sourires, les regards inquiets, les paroles rassurantes et mièvres. Ignorer mes émotions, les signaux d'alertes, ce putain de serpent. Je passe mon temps à construire des

Illusions. Parce que sans elles ma vie tout-entière s'effondre. Parfois j'ai envie d'en pleurer. Parfois j'ai l'impression que j'en fonds de l'intérieur. Et ces illusions me permettent de mettre une barrière entre ce que je suis et ce que je devrais être. Et d'oublier ce que je suis. Bien sûr, ça ne dure jamais qu'un

Instant. Mais c'est toujours un moment de plus de répit. Une permission que je m'accorde pour souffler. Pour être normale. Même si la norme commence à être une notion de plus en plus vague pour moi. Comme un but trop dur à atteindre, un mirage au bout de ma traversée du désert, une oasis

Irréelle. Comme beaucoup de choses dans ma vie en ce moment. Tout parait irréel. Instable. Comme si tout allait me laisser tomber, que je ne devais compter sur rien ni sur personne. Et puis de toute façon, à quoi ça sert de vivre ? On finira tous par mourir et on aura jamais servi à rien. Être utile me parait si souvent

Impossible... Ce mot, c'est comme un mantra dans ma tête. Il résonne, caractérise chacune de mes actions, me paralyse dès que je veux tenter quelque chose de nouveau, et nourrit mon serpent. C'est peut-être ça mon plus grand très de caractère, être impossible. Comme une équation jonchée de fautes. Non, en fait, ce serait plutôt d'être

Invisible. Parce-que personne ne me connaît vraiment. Je n'ai jamais laissé personne entrer dans ma vie comme j'en aurais besoin. Pas même Eliane. Non, je préfère les faux-semblants et les faux-sourires. Mais j'en ai tellement envie, moi, qu'on découvre qui je suis et qu'on me rassure. Au final, je me sens terriblement

Incomprise. J'ai l'impression d'être la seule de ce monde à pouvoir savoir comme la souffrance que je ressens est réelle. Parfois j'ai l'impression qu'on la diminue. Et peut-être que oui, je n'ai pas le droit de me plaindre ? D'autres souffrent bien plus que moi. Je suis peut-être terriblement

Irrespectueuse. J'ose rester immergée dans ma douleur alors que toute une vie de privilèges m'est offerte. Je pourrais relever la tête et j'ose laisser mon serpent me faire baisser les yeux. Mais même si je remontais mon gouffre à mains nues, mes souvenirs reviendraient me hanter, comme des fantômes du passé. Mais personne ne m'a appris, c'est vrai, comment fait-on pour oublier ?

Pluie de LarmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant