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Oublier. Parce que putain c'est vraiment ce dont j'ai besoin. Je suis sûre que si les cris de terreur de ma mère et les pleurs de désespoir de mon père ne résonnaient plus dans ma tête j'irais mieux. Mais je les réentends à chaque fois qu'ils me sourient. Et alors, mes souvenirs m'emportent dans un

Ouragan. Je revois tout. Les disputes, pour la plupart terriblement violentes. Les silences, plus violents encore. Les câlins de réconfort que j'offrais à Hortensia et Celestin quand j'en manquais cruellement. Les menaces, les regards, les gestes. La violence insidieuse, silencieuse, la violence qui au lieu de s'envoler avec des mots tombe comme du plomb. Dans ces moments là, j'avais envie de m'arracher les

Oreilles. J'avais l'impression que comme ça au moins je n'entendrais plus mon cœur qui me hurlait de fuir, de me protéger. Bien sûr que je suis restée. Où irait une gamine de treize ans ? Et qui se serait occupée de sa sœur de sept et de son frère de trois ? Elle serait allée où ? Hein,

Où ? Cette question je me la suis beaucoup posée aussi. Est-ce qu'on aurait pu fuir avec Hortensia et Celestin ? Est-ce que ça aurait changé quelque chose ? De toute façon, comme je ne savais pas, je me suis réfugiée dans ma tête. Je me suis créé un monde imaginaire. Mais il a volé en éclat le jour du divorce. Ce jour-là, bêtement, j'ai eu l'impression de devenir

Orpheline. Comme si, s'ils n'étaient plus ensemble, mes parents n'existaient plus. C'est à partir de ce jour-là que j'ai arrêté de ressentir. C'était horrible ce vide. Il était immense, béant, il avait pris la place de mon cœur. Je ne réagissais plus à rien, je me sentais extérieure à tout. "J'm'en fous". C'est devenu mon expression préférée. Est-ce qu'elle était vraie ? Je ne crois pas. Ensuite sont arrivées les

Ombres. Elles ont comblé ce trou en apportant toute leur noirceur, leur mélancolie, leurs regrets. Au début c'était horrible. Maintenant, je m'y suis habituée. Elles sont comme des vieilles amies. Après tout elles m'ont un peu rendu service..? Même si, maintenant, j'ai un peu l'impression de me noyer dans cet

Océan. Je suffoque parfois, j'ai l'impression de tomber dans des abysses profondes. Peut-être qu'un jour je perdrai complètement le contact avec la surface ? Est-ce que ce sera mieux ? Ou plus douloureux encore ? Est-ce que la pression me tuera si je m'enfonce plus ? Ou est-ce qu'enfin je trouverai quelque chose sur quoi me reposer ? Quelque chose sur quoi poser ma tête, un peu comme si la douleur m'entourait pour former un joli

Oreiller. Peut-être que ce sera confortable. Peut-être que c'est pour ça que je me laisse attirer par la noirceur. Peut-être que j'ai besoin d'y croire, à ce mirage, pour survivre. Mais est-ce que suvivre dans un cauchemar ça vaut la peine de se démener ? Parfois je me dis que je devrais trouver un moyen d'aller dans ma tête pour la nettoyer.

Pluie de LarmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant