Jay m'a bien eu.
Assis au milieu d'un café bondé, j'ai l'impression que les quatre murs de l'établissement se referment lentement sur moi. Il n'y a pas assez d'air pour respirer, trop de personnes ne cessent de me frôler sur leur passage. Peut-être que je suis obsédé, mais je ne peux m'empêcher de compter chaque fois que quelqu'un me touche. Là, je suis rendu à vingt.
Vingt putains de fois en trop.
Si ce n'était pas de la promesse faite à mon meilleur ami, hier soir, j'aurais pris les jambes à mon cou depuis une bonne demi-heure. Je me sens piégé comme un rat. La panique me gagne peu à peu. Cette fille représente ma dernière chance d'obtenir un contrat d'édition. Et si elle était du genre tactile ? Déjà que la poignée de main m'est difficile alors la bise ?
Hors de question.
J'essaie de me calmer en envoyant un message à grand-mère pour lui donner des nouvelles de mon manuscrit. Comme les frais longue distance coûtent chers, nous communiquons la plupart du temps via courriels. Elle n'a pas assez d'expérience avec Facebook pour utiliser messenger, et, honnêtement, je manque de courage pour lui apprendre comment fonctionnent les autres réseaux sociaux.
Quand j'ai terminé mon mail, je jette un coup d'œil à l'heure : treize heures trente. Bordel. J'écris un message à Jay pour lui demander s'il a des nouvelles de la fille censée me rencontrer... le troisième que je lui envoie depuis ce matin. Le premier pour avoir son nom. Le deuxième, parce que j'ai réalisé ne pas avoir la moindre idée de quoi elle avait l'air. Mes trois textos sont restés sans réponses, et il est plus d'une heure trente de l'après-midi. Cerise sur le gâteau ? Son amie a trente minutes de retard.
La clochette de la porte d'entrée me fait sursauter. Je jette un coup d'œil vers celle-ci. Un homme de grande taille pénètre dans le café, accompagné d'un petit garçon qui peine à marcher seul. Mes poumons se vident brutalement sous la déception. Plus les minutes s'écoulent, plus le stress continue de monter. Et si elle ne se pointait pas ?
Pire : et si mon roman ne lui plaisait pas ?
Jamais je n'ai participé à des forums, des ateliers d'écriture... personne ne m'a donné un avis constructif sur mon manuscrit, à part Jay et Vivianne. Ai-je seulement une once de talent ? Le doute m'étreint chaque fois que je relis une page, retouche un paragraphe. Il me fait perdre mon temps. Quand on écrit, chaque heure perdue est une heure pendant laquelle on pourrait changer quelques phrases, améliorer un passage, réécrire un chapitre entier. Parfois, je croule sous l'anxiété. Il est difficile de rester éveillé des nuits complètes devant son texte. Quelles péripéties ne fonctionnent pas ? Pourquoi je n'y arrive pas ?
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Le Succès du Malheur - PUBLIÉ LE 6 MAI 2021 AUX ÉDITIONS NISHA
RomanceSous contrat d'édition ; paraîtra le 6 mai 2021 chez Nisha et caetera ! Splendide hasard ou coup du destin ? Ella Haver fait tout pour oublier son ex, qui l'a jetée comme une vieille chaussette du jour au lendemain. Mais Dieu que c'est difficile de...