IV

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Je sentis une chaleur intense le long de mon bras, comme une décharge électrique qui réveillait chaque fibre de mon être, tandis que la panique me saisissait. Mes jambes semblaient clouées au sol, refusant de bouger, alors que la fumée l'engloutissait, le faisant disparaître comme un mirage insaisissable.

« Myke, ne pars pas ! Ne me laisse pas, je t'en prie ! »

Le désespoir pesait sur ma poitrine, lourd et accablant, comme un poids insupportable. J'avais tant rêvé de ce jour, tant imaginé notre mariage, des éclats de rire et des promesses d'amour éternel. Comment pouvais-je le perdre ainsi, dans un tourbillon de fumée et de douleur ?

Neïdou !

Papa !

« Papa, pourquoi me laisses-tu seule ? »

Je ne te laisse pas seule, chérie. Je serai toujours là pour toi.

Pourquoi me parlait-il ainsi ? Et pourquoi lui répondais-je ? Ce n'était qu'un cauchemar, comme d'habitude. Ou peut-être étais-je en train de rêver. Peut-être étais-je morte ? Non, je ne pouvais pas être morte. Je devais me marier avec l'homme que j'aimais. Alors pourquoi papa me parlait-il à la place de Myke ?

Myke, reviens ! Nous devons nous marier. Pourquoi me laisses-tu ?

Myke ! Je reprenais d'une voix désespérée, le cœur lourd d'angoisse.

Pourquoi ne m'écoutait-il pas ? Pourquoi cet éloignement, cette séparation cruelle ?

_Myke, ne me laisse pas seule, s'il te plaît ! murmurai-je en larmes, les larmes coulant sur mes joues, dévalant mes tempes comme une pluie silencieuse.

_Eh, réveillez-vous ! Mademoiselle !

Les voix devenaient de plus en plus claires dans mes oreilles, comme un écho lointain. J'ouvris les yeux lentement, et la réalité m'assomma.

Je croyais que vous étiez morte, dit la femme aux yeux noirs et blancs perçants.

_Où suis-je ?

_Ils vous ont laissée sur le lit et vous n'avez pas bougé depuis.

Je scrutai la femme en face de moi. Elle avait les cheveux courts et raides, une coiffe traditionnelle sur la tête, une peau d'un noir profond, et un uniforme d'infirmière. Elle était assise devant moi, les coudes appuyés sur le lit où j'étais allongée. Pourquoi étais-je sur un lit d'hôpital ? Je devais me marier, et je me retrouvais ici, dans cet endroit inconnu, perdue dans une réalité qui ne m'appartenait pas.

Je me mis à pleurer à chaudes larmes.

_Mais qui m'a laissée ici ?

Le prince et ses gardes. Ils m'ont donné l'ordre de vous ramener au palais dès que vous vous sentirez mieux.

_ Mais que racontez-vous ? Il n'y a pas de prince en Haïti ! J'étais censée me marier aujourd'hui et voilà que je me retrouve ici.

_Non, mademoiselle, vous n'êtes pas en Haïti. Vous êtes en Afrique, dans le Royaume du Mali.

Un sourire incrédule étira mes lèvres. L'Afrique ? Quelle absurdité ! Soit elle est complètement folle, soit c'est moi qui suis perdue. Je ne comprenais rien à ce qu'elle racontait. Mon mariage, l'AHB, Myke, Clayde, tout cela se mélangeait en moi comme un tourbillon confus.

_Reposez-vous un peu, après vous irez peut-être mieux.

_Non, je ne veux pas dormir. Je veux mon mari. Myke ! criai-je, les larmes coulant sur mes joues, emportant avec elles mes espoirs.

Un vide béant s'était installé en moi. Où était Myke ? Mon cauchemar s'était-il transformé en réalité ? Ce que je redoutais le plus était-il en train de se réaliser ?

Mademoiselle, s'il vous plaît, ne faites pas autant de bruit. Vous allez déranger les autres patients. Tenez, dit-elle en me tendant un verre d'eau. Cela vous calmera un peu. Après, nous irons voir le prince, et il vous expliquera tout.

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Était-ce vraiment l'Afrique ? Comment avais-je atterri ici ? Où était Myke ? Ces questions tournaient en boucle dans ma tête comme des tambours incessants, me plongeant dans un état de désespoir.

Mon Dieu, je vais devenir folle. Je n'en peux plus.

Dans la salle de bain que l'infirmière m'avait montrée, je me regardai dans le miroir en m'aspergeant le visage d'eau froide. Je n'avais pourtant pas changé. Pourquoi tout autour de moi avait-il pris un tour si étrange ? Mon mariage, l'AHB, Myke, Clayde, tout cela se mélangeait en moi comme un tourbillon confus. Les souvenirs de ma vie, de mes rêves, semblaient s'estomper comme une brume au soleil.

Je ne comprenais rien à cette histoire de Mali. Il fallait absolument que je voie ce prince, sinon je perdais la tête.

Après m'être calmée, la femme me conduisit au palais du prince Abhy. En traversant les couloirs du palais, j'étais émerveillée par la splendeur des lieux. Les murs étaient ornés de tapisseries éclatantes aux motifs traditionnels, les sols recouverts de marbre poli aux nuances dorées. De grands lustres en cristal pendaient des plafonds majestueux, répandant une lumière chaude et dorée. Les jardins extérieurs étaient une véritable oasis de verdure, avec des fleurs exotiques éclatantes et des fontaines sculptées en pierre, murmurant doucement dans l'air chaud.

La femme me parla du roi et du prince. Selon elle, le roi était un homme d'une bonté infinie, tandis que son fils, le prince, était un homme audacieux et irrésistiblement beau. Ce prince, à la réputation de coureur de jupons, ne s'intéressait qu'aux femmes, ses aventures se limitant à une nuit, sans jamais se lier sérieusement. Certains disaient même qu'il vivait en ermite, se contentant de ses conquêtes éphémères.

Nous arrivâmes devant un gigantesque immeuble, un chef-d'œuvre architectural d'une grandeur stupéfiante. L'architecte qui l'avait conçu devait être un génie, ou peut-être même un être divin. Je faillis me cogner en admirant le plafond étincelant et les décorations somptueuses.

_Excusez-moi, dis-je, un peu gênée, tout en prenant conscience de ma vulnérabilité.

Un homme me fit un signe de la tête en continuant son chemin. Je supposai qu'il voulait dire que ce n'était rien.

Nous montâmes dans un ascenseur aux parois dorées. La femme appuya sur le bouton 103. Je restai bouche bée. Sérieusement, il y avait vraiment 103 étages dans cet immeuble ? C'était tout simplement incroyable.

Quelques minutes plus tard, le ding de l'ascenseur retentit, et la porte s'ouvrit sur une grande salle. Le plafond était aussi brillant que celui de l'entrée, mais encore plus éclatant, avec des décorations en or et des fresques élégantes. Un petit tabouret avec quelques chaises autour trônait au centre.

De dos, j'aperçus un homme allongé, savourant un verre d'une liqueur précieuse, puis posant la bouteille avec une aisance aristocratique. La femme se prosterna devant lui.

_Sir Chriss, voici la demoiselle que vous m'avez ordonné de ramener.

Il se retourna d'un mouvement vif et élégant, et ses yeux croisés avec les miens. Mon Dieu, il était irrésistiblement beau. Ses yeux, d'un vert émeraude envoûtant, semblaient refléter la profondeur d'un lagon mystérieux. Sa peau, d'un bronzage parfait, scintillait sous la lumière dorée. Il dégageait une aura de charme audacieux et d'assurance, et je comprenais maintenant pourquoi il était un coureur de jupons ; il était véritablement beau comme un dieu.

L'infirmière me fit signe de le saluer. Évidemment, je ne comptais pas me prosterner. Je lui tendis la main pour le saluer comme je le ferais avec tout le monde.

_Mademoiselle, fit-il en embrassant la paume de ma main avec une élégance raffinée.

Il ne perdait vraiment pas de temps, celui-là. Mais moi, j'étais perdue, acculée entre mon désir de retrouver Myke et l'étrangeté de ce nouveau monde qui s'ouvrait devant moi.


A  La Croisée Des DestinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant