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Nous étions garés devant chez lui depuis un bout de temps, discutant de tout et de rien.

Quelques fous rires, des sourires sincères, des froncements de sourcils, des explications, voici à quoi nous avions occupé notre dernière heure sur les sièges de ma petite voiture.

-Depuis toute petite je veux laisser ma trace sur ce monde, mon but à la base c'était d'être connue. Plus le temps passe plus je comprend qu'être connu c'est pas une vraie volonté, je veux juste être plus que ça, je veux qu'on m'entende, qu'on m'écoute, qu'on s'intéresse à ma pensée plus qu'aux vêtements que je porte. J'adore être modèle, je suis à l'aise devant un appareil photo ou une caméra, ça me plait, mais de plus en plus maintenant j'ai l'impression d'être un objet et ça me dégoute de moi même.
-Tu devrais pas, tu peux te servir de ta notoriété pour te faire entendre. Regarde, Kate Moss si demain elle décide de faire quelque chose et qu'elle le met sur les réseaux, tout le monde le voit.
-Si demain n'importe quelle mannequin ou modèle photo poste un truc sur les réseaux, je veux dire quelque chose d'intelligent qui mérite réflexion, tout le monde lui dira de rester à sa place qui est de porter des vêtements. Tu vois ce que je veux dire? Ça m'attire plus le fait d'être un cintre.
-T'as une basse estime de toi c'est bizarre, t'as l'air intelligente mais faut être bête pour se rabaisser autant.
-C'est pas moi que je rabaisse c'est mon métier.
-Si ce que tu fais te conviens pas, change, essaie autre chose et sois heureuse. T'es jeune, tu regrettera pas, tu vas pas perdre beaucoup de temps. Tu devrais y penser, parce que t'as vraiment l'air blasée par ce que t'apprends, ce que tu fais, ce que tu représenteras et par l'image qui va te suivre toute ta vie.

Je soufflais de frustration, je ne savais pas quoi penser, il venait de retourner mon esprit et le fait de ne pas en avoir parlé avant me permettais de continuer mes études sans trop me poser de questions. Mais maintenant que j'avais tout sorti, que quelqu'un savait ce que je pensais de mon métier, qu'est ce que j'allais faire?

-Recommencer mais pour faire quoi? Dis-je tout bas.
-Je sais pas Emna j'suis pas dans ta tête, tout à l'heure t'as fais une bonne analyse de mon cas, tu pourrais te lancer dans la psycho.
-Ken, t'avais carrément la gueule tordue, n'importe qui aurait deviné que t'allais pas bien. J'ai pas eu à faire d'analyse très poussée. Et puis ça me plairait pas.

Il riait doucement avant de balancer sa tête de droite à gauche, l'air de dire que j'étais une tête de mule.

-Qu'est ce que t'aimes bien?
-Je sais pas trop, j'ai pas d'idées précises sinon tu te doutes bien que j'aurai déjà changé, mais j'aime bien tout ce qui est esthétique, genre la beauté d'une chose, j'aime bien l'art, assembler les couleurs, les ombres, les formes. J'aime bien la musique mais je sais pas chanter, j'aime bien les émissions cucul mais je suis pas sure de pouvoir percer dans ce domaine. Je souriais en pensant à mon enfance que je passais à regarder mes deux émissions préférées et que mon père m'engueulait en rentrant à la maison parce que j'avais pas bossé et que j'étais devant la télé.

-Pourquoi tu te lances pas genre dans la production de films ou de documentaires?
-Bizarrement j'suis une meuf qui n'est pas fan des longs voyages solo donc les documentaires genre sur les gazelles au Kenya ça va pas être mon délire.

Il pouffa avant de poser son menton entre son index et son pouce, caressant sa barbichette qui, comme sa moustache, me perturbait et il me titillais la langue de lui dire que c'était horrible.

-Les clips?

J'haussais les épaules, pas convaincue mais pas dégoutée de l'idée non plus. A voir.

-Il est tard. Dit-il en regardant l'heure sur le cadran de la voiture.

01:58

Efectivement, j'ai cours demain, il faut que je rentre et j'en ai pour une très grosse demie heure au moins, comme le lendemain matin. Je peux faire une croix sur ma nuit.

-T'as cours demain? Me demanda t-il.
-Euh ouais, à 8h30, je sais pas trop comment je vais faire. Je peux pas louper les cours parce qu'il reste que 2 mois et demi avant les exams finaux et quitte à changer de voie autant finir ces deux mois et m'assurer un diplome, même si c'est que bac+2.
-T'as raison, vaut mieux terminer ça. Tu veux monter?
-Si tu me mets à la rue dans une heure non, vaut mieux que je rentre. Si je peux squatter ton canapé cette nuit, alors ça peut se faire.
-J'ai un lit pliant dans un placard, je devrais pouvoir m'arranger pour que tu puisses à peu près bien dormir, t'inquiete.

Nous sortions de la voiture, à une distance respectable l'un de l'autre, en direction de son immeuble. J'aimais le fait qu'il ne soit pas trop tactile comme l'était Deen, qu'il ne soit pas tout le temps en position de force avec moi genre "t'es ma ptite".

Nous entrions chez lui, c'était tout blanc et tout plein de bordel, je me sentais plutôt bien car l'atmosphère qui y régnait était semblable à celle de ma chambre.

-Putain on dirait ma chambre.

Je l'entendis rire avant qu'il ne me dise de faire comme chez moi.

Je me dirigeais vers ce qui semblait être la cuisine et me servis un verre d'eau, non sans mal puisque j'avais cherché le placard à verres au moins 3 minutes. Qui aurait idée de mettre des verres dans un placard près du sol. Toujours en hauteur Ken, toujours. C'est la règle d'or quand tu achètes des placards, d'en prévoir un pour les verres en hauteur et accessible, pas sous l'évier.

Il revint, vêtu seulement d'un caleçon noir pour me dire qu'il était temps de dormir si je voulais être en former pour demain.

-Je t'ai amené le lit, j'ai besoin de toi pour le déplier parce qu'il est galère et faut être deux. Sinon , j't'ai prit un sac de couchage, tu m'excusera mais j'ai pas de draps pour un lit simple. La salle de bain est au bout à gauche, si jamais tu veux prendre une douche ce soir ou demain y'a pas de soucis, y'a tout ce qu'il faut dedans. J'ai même du démaquillant si tu veux.
-Pourquoi t'en as? Riais-je.
-J'exige que le peu de meufs qui sont autorisées à dormir ici se démaquillent avant d'être dans mon lit. Mais bon vu que tu dors pas avec moi pour l'instant, t'as le droit de faire comme tu veux, mais t'es prévenue. Il me sourit avant d'embrasser ma tempe, non sans avoir caressé mes reins au passage, et me souhaita bonne nuit en m'indiquant où était la lumière et comment fermer la porte de l'extérieur sans clé.

FEAR [K.S.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant