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"-Allo?

-Ouais, c'est moi, tu veux pas qu'on se voit?

-Si, si tu veux. J'suis un peu malade à cause du bébé je pense donc je préfère que tu viennes. J'suis chez Théo."

Je raccrochais après avoir prévenu ma soeur que j'arrivais d'ici 15 minutes, l'appartement de son copain n'étant pas très loin de mon école.

Je passais à Columbus lui prendre un cookie aux pépites de chocolat et un grand latté.

-Salut, désolée pour ma tête, j'arrête pas de vomir depuis hier soir.

Je rigolais doucement en voyant la tête de ma sœur avant de la serrer dans mes bras. Elle m'avait manqué depuis l'épisode chez nos parents, c'était dur pour moi de rester loin de ma sœur pendant plus de deux jours.

-J't'ai apporté un café et un cookie.
-Merci. Elle embrassa ma joue. Je sais pas si je vais le manger tout de suite parce que j'ai pas envie de le vomir. C'est mon préféré en plus. Dit-elle en regardant l'intérieur du sachet qui contenait le cookie.

On se dirigeait vers sa chambre, elle se mit dans les draps tandis que je restais au dessus de la couette. Quand même, c'est le lit ou ma sœur à créé cet être à l'intérieur de son ventre, j'ai pas trop envie de côtoyer ces draps.

Au bout de quelques heures, nous entendions la porte de l'appartement claquer et des voix dans le salon.

-C'est moi chérie, y'a Nek. Criait Théo.

Je vis débarquer ce dernier dans la chambre, mon cookie dans la bouche.

-T'es chiant c'était pour moi. Dit ma sœur.
-C'est tout ?! Putain j'me fais chier à ramener un truc à ma sœur parce qu'elle est malade, y'a un gars qui bouffe ton cookie et tu dis rien? Dis-je à ma sœur, un air offusqué sur la tête.

Les autres riaient tandis que je me levais pour prendre le cookie des mains de Ken et le fourrer dans ma bouche.

-Ché dingue cha, chi tu crois que che vais te payer un cookie... Dis-je, mâchant ce cookie bien trop sucré pour moi.

-Je vois que tu t'es bien remise. Riait ma sœur.

Son copain me regarda avec un œil paniqué, tandis que ma sœur se rendait compte qu'elle avait dit ça a voix haute. Ken semblait ne pas comprendre et c'était mieux comme ça.

-Excuse moi, c'est sorti tout seul.
-C'est pas grave, comme t'as dis, je m'en suis remise.

Un silence embarrassant régnait, j'étais gênée du fait que Théo soit au courant de mon histoire et j'avais peur qu'il le raconte à Ken qui venait d'assister à cette scène.

-Je vais y aller. Je me levais du lit, embrassant les deux garçons pour leur dire bonjour et au revoir à la fois.

J'étais dégoutée que ma sœur ait évoqué ce sujet qui, même si je n'avais plus de problèmes avec la nourriture, était toujours tabou chez moi.

Je décidais d'aller me balader vers le pont neuf, m'assoir sur un banc et lire un peu. J'avais toujours un bouquin dans ma voiture, que je sortais rarement, mais qui dans les moments comme celui-ci me sauvait presque la vie.

Un peu plus jeune, à partir de mes 15 ans je crois, j'ai commencé à me voir plus grosse que je ne l'étais. J'avais l'impression que ma mère faisait du gavage, que je mangeais plus que ce que j'aurais du, je me sentais mal dans ma peau. Se voir limite obèse alors qu'on est bien trop fine ne conduit que rarement à une fin heureuse.

J'étais tombée dans une obsession, je comptais chaque calorie que j'ingurgitais et m'arrangeais pour les éliminer jusqu'à la dernière. Je ne vomissais que rarement, les gens ont tendance à penser que les troubles alimentaires sont dus au fait que les gens se font vomir après avoir mangé. Je m'échappais dans le sport, je faisais des abdos à longueur de soirée. C'était dur de toujours me trouver plus grosse alors que j'étais de plus en plus maigre. Plusieurs fois, mes parents et ma sœur m'ont prise en photo pour que je me rende compte de mon état, mais dans un tel état d'esprit, je ne voyait qu'une boule de graisse alors que j'avais la peau sur les os.

Tout cela n'était que des souvenirs à présent, j'avais tourné la page sur toute cette histoire, je m'étais remise de mon anorexie.

Cependant, c'était pour moi toujours un sujet délicat que je n'aimais pas aborder, c'était une période où la faiblesse l'avait emporté sur ma raison et où j'avais frôlé la mort.

Dieu sait que jamais je ne me pardonnerai d'avoir négligé ma vie, de m'être laissée aller à ces idées noires, de m'être infligé autant de mal.

Pendant plus de 2 ans, ma vie n'avait été que tristesse, haine, fatigue et maladie. Le jour où j'ai pris conscience de mon état et que j'ai accepté de me faire soignée, ça m'a fait l'effet d'une renaissance.

Comme la première bouffée d'air après en avoir été privé pendant qu'on jouait avec la mort.

Je me suis haïe à un point où n'importe quelle chose qui me rappelait ma vie d'avant me rendait folle, je vrillais totalement à l'entende d'un seul compliment, je me nourrissais des critiques et de ma haine.

Le jour où, après ma séance d'abdos, j'ai fais une crise de colère et je me suis évanouie à signé pour moi un nouveau départ. Ma sœur m'a trouvée, le cœur faible et voir sa tête anéantie à mon réveil à l'hôpital m'a fait prendre conscience du mal que je faisais aux gens que j'aimais mais que, pourtant, je ne pouvais plus supporter depuis quelques temps.

Ce jour là m'a sorti de ma maladie.

Il me reste aujourd'hui deux ans et quelques avant d'éloigner les risques de rechute. On dit à un anorexique qu'il faut 5 ans pour se remettre, mais en vérité une vie entière ne suffirait pas. On s'habitue seulement à remanger normalement, à vivre correctement mais aucune journée de ma vie depuis le jour de ce réveil à l'hôpital n'est passé sans que je m'inquiète de mon poids.

FEAR [K.S.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant