L'un des chasseurs avait dû partir, sûrement pour soulager sa vessie, et l'avait aperçue se propulser d'un arbre à l'autre.-M...., jura-t-elle tout bas. Il n'y avait plus qu'à espérer que l'homme n'ai pas distingué son visage. Elle essaya vainement de se dissimuler dans le feuillage, mais il était déjà trop tard. Comprenant qu'ils allaient l'interpeller, elle saisit la seule solution qui s'offrait encore à elle : courir. Les chiens étaient toujours attachés, ils ne se lanceraient donc pas à sa poursuite. Elle se laissa glisser à terre, s'écorchant copieusement le dos au passage, et s'élança. Elle connaissait cette forêt comme sa poche et, d'un pas sûr, martelait le sol à grandes foulées en direction de l'orphelinat. Ses cheveux long cheveux bruns volaient derrière elle tandis que les puissants muscles de ses jambes l'emportaient toujours plus loin. Elle pesta silencieusement, contrée de ne pas voir eu le temps d'attacher ses cheveux qui lui tombaient devant les yeux. Derrière elle, les hommes tentèrent vaguement de la suivre, mais abandonnèrent bien vite. Ils n'avaient pas sa forme physique. Elle continua à courir une dizaine de minute, pour s'assurer de bien les avoir semer, puis ralenti progressivement le rythme. Devant elle, le mur de l'orphelinat se dressait, vieux et moussus.
Cependant, cet obstacle ne sembla pas l'impressionner une seule seconde, et elle se mit à escalader les vieilles pierres disjointes. Arrivée au faîte du mur, elle sauta au sol, les genoux fléchis pour amortir le choc. Continuant sa progression, elle s'arrêta derrière le nouveau bâtiment aux murs parfaitement lisses où se trouvait sa chambre. Délassant ses tennis, elle les noua autour de son cou pour éviter qu'elle ne fassent des marques qui l'auraient immédiatement trahies sur le mur. Elle replaça correctement son arc entre ses omoplates avec son carquois et entama alors son escalade, prenant appui sur les rebords des fenêtres et les grosses branches de lierre qui les avoisinaient. Ses doigts crochetaient habilement les branches et ses pieds prenaient appui tout seuls sur la pierre blanche, trahissant sa familiarité avec l'exercice. Avec elle, l'expression faire le mur prenait un sens tout à fait littéral ! Elle atteignit enfin le dernier étage et se glissa dans sa chambre par la fenêtre laissée entrouverte.
Le contrecoup des émotions ressenties dans la forêt s'abattit d'un coup sur ses épaules, et elle s'écroula sur son lit.
Les cascades auxquelles elle s'était livrée dans les arbres, la facilité avec laquelle elle avait escaladé les deux murs la séparant de sa chambre trahissaient une forme physique étonnante. L'adolescente était abonnée aux excellentes notes en EPS depuis toujours. Dans les autres matières aussi d'ailleurs. Dans tous les clubs de sport qu'elle avait fréquentés, et ils étaient nombreux, son potentiel et ses capacités si rapidement acquises avaient toujours impressionné. Mais l'orphelinat ne lui avait jamais permis de prendre part à la moindre compétition. D'ailleurs, elle n'avait jamais fréquenté un club plus d'un an. Très vite, tous les sports finissaient par l'ennuyer. Elle n'avait pas vraiment l'esprit d'équipe, c'est le moins qu'on puisse dire. Comme toute règle cependant, celle-ci avait une exception : elle fréquentait le même club d'escrime depuis des années. Depuis ses sept ans exactement. Une autre exception qu'elle aurait volontiers fait concernait la voile. Elle avait eu l'occasion lors d'une colo organisée par la municipalité de partir en stage de voile sur la côte, et fait tout de suite adoré la sensation de vitesse procurée par le glissement sur l'onde, le souffle du vent sur sa peau. Malheureusement, St-Clos, où se trouvait l'orphelinat, se trouvait à plusieurs dizaines de kilomètres des côtes.
Non, la majorité de son exercice physique, la jeune fille le tirait désormais de ses escapades dans la forêt voisine, comme ce matin. Son arc et ses flèches, héritages d'un passage éclair dans un club de tir, lui tenaient généralement compagnie.
Une gêne grandissante dans le dos la poussa à s'extirper de ses pensées. Elle se redressa et enleva son arc et son carquois qui lui blessaient le dos. D'un mouvement fluide, elle le posa en équilibre au pied de son lit et se recoucha. Cependant, la gêne dans son dos reparu, empirant, s'amplifiant. Elle grimaça de douleur, son dos lui faisait l'impression d'être en feu tout le long de sa colonne vertébrale : une vraie torture. Elle voulu enlever son tee-shirt pour tâter l'endroit douloureux et trouver la blessure, mais il était comme collé à ce qu'elle compris vite être une plaie. Elle ferma les yeux, bloqua sa respiration et tira d'un coup sec sur le vêtement, retenant de peu un gémissement de douleur. Elle s'approcha alors de la porte-miroir de son placard. En se contorsionnant et en se tordant le cou, elle parvint tant bien que mal à distinguer une béante et large estafilade poisseuse de sang qui lui courait le long de la colonne. Elle eu un soupir, plus énervé qu'apeuré. Elle se l'était sûrement faite en glissant le long du tronc de l'orme, avant de prendre la fuite, et l'adrénaline avait pour un temps éloigné la douleur. Les sourcils froncés, le front plissé et mordillant toujours sa lèvre inférieure, elle jeta d'un air rageur son tee-shirt au sol.
Bon sang ma vieille mais t'es un vrai boulet. C'est malin, hein, tu comptes faire comment maintenant, Swan ? Grosse nouille, va... Elle rageait dans sa barbe, s'invectivant et se traitant de tous les noms pendant qu'elle retournait le problème dans sa tête. Il était tout bonnement hors de question d'aller voir Mlle Martyse, la responsable infirmerie de l'orphelinat. Bon sang, elle avait sa fierté tout de même ! Et puis bordel, comment pourrait-elle possiblement expliquer une pareille blessure ? Elle était pourtant consciente qu'il était irresponsable de laisser une telle plaie ainsi, elle pouvait s'infecter rapidement.
Heureusement, elle avait dans ma poche, comme toujours- voisinant avec son couteau suisse, un habitué, lui aussi- une trousse de premiers secours version miniature. Quand on vadrouille seul dans la nature, il vaut mieux être prudent, non ? Elle enduisis un morceau de gaze de désinfectant et commença à l'appliquer sur sa blessure.
-Ne crie pas, Swan, ne crie pas..., s'ordonna-t-elle à voix basse. Cependant, elle se senti bientôt incapable de ne pas pousser de hurlement, et se mordit férocement l'intérieur de la lèvre, presque jusqu'au sang, les yeux s'embuant de larmes. Il lui fallu bander chaque parcelle de volonté en sa possession pour ne pas lâcher la gaze. Elle remporta cependant la bataille, et avec un grognement de soulagement mêlé de douleur, acheva sa besogne.
La blessure, d'un pourpre très foncé, beaucoup plus foncé que le sang de la plupart des gens, tranchait abominablement sur sa peau plus blanche que neige, tellement blanche qu'on aurait pu la croire albinos sans ses cheveux de jais raides comme des baguettes. Elle aurait presque pu être belle, mais tout en elle semblait... trop. Sa peau trop blanche, ses cheveux trop sombres, ses traits trop fins, ses pommettes trop anguleuses... Non, elle n'était pas belle, et pourtant son physique particulier interpellait les gens, parfois fascinés, parfois légèrement effrayés par l'étrangeté de ses traits. Son expression un peu fière, cet air hautain qu'elle affichait outrageusement, mêlé à une sorte de nonchalance scandaleuse, ne participaient nullement à la rendre plus accessible. A la regarder seulement, on devinait que le haussement d'épaule dédaigneux lui correspondait comme un gant.
C'est d'ailleurs exactement le geste qu'elle effectua après avoir contemplé une dernière fois sa blessure. Curieusement, le sang ne l'avait jamais impressionnée ou dégoutée. Au contraire, elle s'était déjà même surprise à se sentir cruellement satisfaite de le voir couler par sa faute, lorsqu'il s'agissait de quelqu'un qu'elle n'aimait pas. Ou d'un animal. Comme l'oiseau de tout à l'heure, pour ne citer que lui. Son attitude et sa tendance à se tenir des autres n'était pas seulement due à un certain désintérêt à leur égard. Elle avait peur. Peur d'elle et de ces instincts sanguinaires qu'elle semblait sentir tressauter au fond de son être. Peur de ces pulsions anormales qu'un être humain n'est pas sensé ressentir. Peur d'être détraquée. Psychopathe. Peur de ce qu'elle pourrait peut-être un jour faire.
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Elfes
ParanormalJe n'ai jamais été intégrée nulle part. Ou peut-être que je ne me suis intégrée nulle part. Quoi qu'il en soit, le jour où j'ai découvert un monde au-delà du nulle part, j'ai naïvement cru que ce serait plus facile. J'ai naïvement cru que j'apparten...