Chapitre 3

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Mon examinateur me donne mon diplôme et je quitte l'auto-école avant de rejoindre Papa dans un café-restaurant du coin pour me rafraîchir. « Je suis fier de toi, ma grande. » me dit-il. Ça faisait longtemps qu'il ne m'avait pas félicitée et je dois dire que c'est drôlement agréable de recevoir un petit compliment de la part de ses parents de temps en temps. Je lui souris. « Tu m'autorises quand même à prendre un verre de vin français pour fêter ce grand moment ? » je lui demande en riant. Non pas que je sois une grande férue d'alcool mais j'apprécie particulièrement le vin rouge, surtout le français. Il n'est pas dans nos habitudes de boire, Maman y veille, mais je suis tellement soulagée et fière de moi sur le coup que je pense au moins mériter une petite récompense. Papa me regarde sérieusement et me sermonne gentiment sur les dangers de l'alcool. Il me sert quand même un demi verre que j'avale d'un trait. Je ne prends jamais le temps de déguster le goût des alcools et ça, mes parents me le reprochent souvent les rares fois où nous en consommons.

Nous discutons de banalités avec mon père. Comment se passe son boulot, le lycée, les cours, les amis ? Il reste très évasif sur le sujet de son travail mais je n'insiste pas car je sais que cela doit rester secret. Nous rentrons tous les deux dans la Mini rouge de Maman. Par miracle, je n'ai causé aucun dommage sur la route. Il faut croire que mon examinateur ne m'a pas donné mon diplôme par pure pitié.

Miss Aimie nous a simplement concocté une ratatouille. C'est largement suffisant pour le déjeuner et nous nous autorisons à finir le saladier de mousse au chocolat d'hier. Maman est très satisfaite de ma réussite. Je le vois à son regard même si elle ne dit rien : ses yeux sont humides et un mince sourire éclaire son visage. Même si j'ai parfois l'impression que seul Papa compte pour elle, et c'est sûrement bête de ma part, je sais que le fait que ses enfants aient tous le permis signifie qu'ils vont bientôt prendre leur indépendance et partir de la maison pour créer une nouvelle vie. Étant donné que je suis la dernière, cela la rapproche encore plus du moment fatidique où il n'y aura plus d'enfants à la maison.

Prise d'un soudain élan de compassion, je la prends dans mes bras et lui colle un bisou à la mousse au chocolat sur la joue. Étonnamment, elle répond à mon embrassade et nous nous retrouvons à nous échanger tous les cinq des baisers qui nous laissent noirs de chocolat à la fin du repas. Cela faisait bien longtemps que nous ne nous étions pas aussi bien amusés tous ensemble, et je dois dire que ça m'avait manqué. Je regarde Jehan et Alva qui me regardent à leur tour, le sourire aux lèvres. Ma famille est heureuse et c'est tant mieux. Comme beaucoup d'autres, je ne supporterais pas de les voir tristes et malheureux. Au-delà de l'accomplissement de ma vie, mon frère, ma sœur, ma mère et mon père sont ma seule faiblesse : tous les jours, j'ai peur qu'il leur arrive quelque chose, je crains pour leur vie. Et c'est pourquoi je ne me suis jamais posée de questions sur l'entraînement que nous impose mon père : c'était un moyen en plus de pouvoir les défendre, mais physiquement. Et j'ai toujours été soulagée, sans en ressentir de la joie, de savoir manier une arme.

Afynn Winslo - Chroniques d'une OutlanderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant