Mon cerveau tambourine mon crâne, du moins, c'est l'impression que j'ai. J'ai du mal à m'extraire de mon semblant d'inconscience. Trop fatiguée pour ouvrir les yeux, je me concentre sur les bruits autour de moi. Au ronron régulier des machines, je devine que je ne suis ni dans mon lit, ni dans une autre pièce de la maison. Il m'est difficile de me rappeler la raison pour laquelle j'ai atterri dans une chambre d'hôpital -l'odeur m'a interpelée. La douleur à la tête se calme mais pour mieux m'aider à sombrer à nouveau dans les méandres du sommeil.
***
Nouveau réveil.
Attentive, j'essaie de capter les sons. Personne autour de moi. Je suis donc insignifiante au point que l'on ne se soucie pas de venir m'offrir le plaisir d'une petite visite de courtoisie ?
Vexée et surtout assoiffée, je décide de me secouer un peu. Dans une grimace, j'ouvre péniblement les paupières. Heureusement que le personnel de l'hôpital a pensé à tirer les rideaux, je serais une victime supplémentaire de l'éblouissement instantané sinon ! En tournant la tête vers la table de chevet, je réalise que mon cou est tout raide ; on m'a posé une minerve. Lever un bras pour prendre le verre rempli d'eau à une trentaine de centimètres à ma gauche n'est pas évident non plus. J'en mets plus à côté que dans ma bouche quand je bois. Bon, bon... une douche ne sera plus nécessaire alors ! M'étouffant à moitié parce que je ris de ma gaucherie, je me fige quand j'entends la porte de la chambre s'ouvrir. Enfin de la compagnie !
« Mademoiselle Winslo, vous vous êtes réveillée. »
Un jeune homme en blouse bleu clair s'approche de moi tout sourire.
« Et vous êtes ? je questionne.
- Docteur Lewis, à votre service, mademoiselle. Je suis étonné que vous ayez récupéré si vite. Étonné que vous ayez récupéré, tout court, d'ailleurs.
- Et en quoi suis-je une source de stupéfaction, Docteur ?
- Vous avez été sujette à un grave traumatisme crânien, dont vous semblez être sortie indemne, ce qui, sauf votre respect, n'arrive que dans des cas très rares.
- Un traumatisme crânien ? C'est-à-dire ?
- Vos parents vous ont trouvée en bas des escaliers de votre domicile. Mais pas en train de jouer aux billes si vous voyez ce que je veux dire.
- Vous sous-entendez que je suis tombée ?
- Oui, c'est malheu...
- C'est fantastique ! »
Cela signifie donc la fin de mon étrange pouvoir ? Il n'y a aucun doute que si je suis sortie sans séquelles de cet accident, cela ne peut que dire qu'une chose ; j'ai perdu quelque chose de plus important en moi. Une minute... Important ? Avec du recul, peut-être que ce n'est pas une bonne chose. Peut-être que cette faculté était là pour quelque chose, dans un but précis.
« Euh...croyez-vous que j'ai pu perdre des souvenirs ou des capacités dans cet accident ?
- Nous ne sommes pas en mesure de vous le certifier, Mademoiselle Winslo. Les techniques d'imagerie médicale ne sont pas encore assez poussées pour vérifier ce genre de problème, du moins, pas quand on ne connaît pas votre ancien cerveau, si je puis dire.
- Bien... je ne pourrais donc jamais savoir si j'ai perdu des aptitudes ou d'autres trucs comme ça, sauf si un proche m'en parle, alors ?
- C'est exact.
- Savez-vous si mes parents sont venus me voir pendant ma période d'inconscience ?
- Votre sœur et votre frère sont venus plusieurs fois par jour. » Je souffle de contentement. « Votre mère venait tous les soirs, accompagnée d'une dame âgée, votre grand-mère sûrement ?
- Ma concierge.
- Ah, votre concierge... Et votre père était là seulement quand vous êtes arrivée ici, après votre chute. »
Papa ? Cela ne lui ressemble pas. Le connaissant, il serait venu tous les jours comme l'a fait Maman. Je me sens délaissée mais surtout trahie par son manque de soutien. Qu'est-ce qui a bien pu l'empêcher de venir ?
« Savez-vous s'il est possible de le joindre ?
- Votre père a été prévenu de votre réveil. Les infirmières m'ont chargé de vous prévenir qu'il arriverait demain. Il semblerait qu'il soit parti en voyage d'affaires très important.
- Ah...
- Vous semblez étonnée ?
- Il n'avait aucun voyage d'affaires prévu avant un petit bout de temps.
- Il existe toujours des imprévus, mademoiselle.
- Oui mais là, alors que sa fille a fait une chute potentiellement mortelle et qu'elle est hospitalisée... Je ne trouve pas ça très juste ! je commence à gronder.
- Écoutez, je n'ai pas à me positionner là-dessus. Pensez un peu aux patients qui n'ont personne pour leur rendre une visite, leur faire au moins un rapide coucou. Estimez-vous heureuse d'avoir votre mère, vos frères et sœurs, et surtout, estimez-vous heureuse de vous en être sortie. Indemne qui plus est ! »
Les paroles du médecin me rendent honteuse. Je prends conscience que je suis un peu égoïste de penser que Papa ne s'inquiète pas pour moi et de me plaindre devant un membre d'un hôpital alors que je vais bien. Le praticien s'éloigne de mon lit pour revenir avec un fauteuil roulant.
« Veuillez me pardonner... je dis, la voix chevrotante. Je n'aurais pas dû m'en prendre à vous.
- Ce n'est pas grave, beaucoup de jeunes patients ont ce genre de réaction dans ce contexte.
- Ah... ça me rassure alors, mais ça n'excuse pas mon comportement. Cependant, faites attention ; j'ai eu mon permis récemment, je ne fais plus tout-à-fait partie de la catégorie jeunes patients, j'ajoute pour plaisanter.
- C'est vrai qu'encore étudiant en médecine, je suis mal placé pour vous qualifier d'enfant. Mais pour vous faire pardonner, serait-il possible, après votre sortie d'hôpital, que vous me partagiez les possibles évolutions qui pourraient avoir lieu au niveau de votre mémoire et de votre comportement ? Je reste persuadé qu'une telle chute ne peut rester sans séquelles. Votre guérison a de plus été très rapide. Et cela m'interpelle. Vous êtes, à ne pas s'y tromper, de ceux qui rendent la science humaine d'autant plus intéressante, Mademoiselle Winslo. J'ai eu de la chance que le chef du service me laisse vous prendre en charge. »
Je rougis sous le compliment. Lui promettant que je lui écrirais dès qu'un changement surviendrait, il prend congé.
Apercevant le fauteuil roulant à côté de mon lit, je me décide à appeler une infirmière afin de prendre un peu l'air, en attendant avec impatience le moment fatidique où je reverrais Papa...
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Afynn Winslo - Chroniques d'une Outlander
AksiDécouvrez comment Afynn Winslo, membre à part entière d'une équipe d'agents un peu spéciaux, est devenue une Outlander. (Préquelle)