Double front - Partie 5

159 30 11
                                    

Marion n'entendit pas la portière s'ouvrir : elle était trop profondément concentrée à maintenir sa frayeur au même degré afin d'afficher une expression désespérée, et à faire passer une même musique en boucle dans sa tête. Son inattention lui valut pourtant une énième bousculade.

« Hé, poulette », dit Kenny. « On est arrivés à destination, là. Grouille-toi de descendre ou c'est moi qui te descends. » Elle obéit immédiatement, laissant échapper un gémissement.

Cent soixante-huit themes de Livaï contre le titan Féminin. On la poussa sans ménagement. Fois cinq, ça fait huit cent quarante minutes. Elle faillit tomber en se prenant le pied dans une marche d'escalier et poussa un petit cri effrayé. Huit cent quarante minutes divisées par soixante...

Les nombres s'affichèrent dans son esprit, et le calcul se fit de lui-même. Quatorze heures. Le cheval allait au petit galop, donc à environ vingt kilomètres par heures. On a parcouru deux cent quatre-vingt kilomètres.

Elle grava ce chiffre dans son cerveau et grimaça lorsqu'on l'attacha à une chaise bancale. On lui débanda les yeux ; elle cligna plusieurs fois des paupières, en vain. Sa vision resta parfaitement floue.

Quelqu'un lui remit ses lunettes. « C'est bon, tu peux voir ? » demanda la voix monotone d'un jeune homme, s'exprimant en anglais. Elle secoua la tête, muette de peur : l'autre jura. Ok, donc ceux-là viennent de l'extérieur... Ou au moins lui. Soit je suis bien, soit je suis dans la merde la plus totale.

« Bon », commença-t-il. Elle l'entendit tirer un siège à lui et s'affaler dedans. « Je m'appelle Rhys. J'ai quelques questions pour toi. J'espère que tu coopéreras, je n'aimerais pas que tes cris résonnent trop par ici. »

Sérieusement effrayée, son cœur s'emballa. « D'abord, tu es bien Marion Griffonds ? » Elle hocha nerveusement la tête. « Désolé pour le petit incident du neuf juin, ou je sais plus trop quand, dans ces eaux-là. Nos traducteurs ont confondu « umbringen » et « einfangen ». On les a exécutés dès qu'on a appris qu'un de nos assassins avait été envoyé pour te tuer. »

Elle secoua la tête, l'air de dire « pas de problème ». Ce type... Ce type se fout de moi ? Bon, au moins, ils ont besoin de moi vivante... Mais dans quel état ?

« Tu es arrivée quand ? demanda-t-il soudainement.

— Euh... Je... balbutia-t-elle d'un accent hésitant. Je ne sais pas.

— Ah ? »

Il fit claquer un petit objet en métal. Elle se raidit, terrorisée au possible.

« Je ne sais vraiment pas ! s'écria-t-elle.

— Rhys, elle n'a pas de notion du temps, rappela Kenny en baillant.

— Bon. Passons. Tu as lu les mangas ou vu l'anime ? »

Elle s'étrangla. Qu'est-ce que ce mec me raconte ? Elle retint de justesse un rire nerveux. Ça doit être une info importante. Je réponds quoi ? La vérité ? Non, le moins ils en sauront, le mieux ça sera. Elle ouvrit légèrement la bouche. Mais s'ils savent que je « n'ai pas de notion du temps »... Ils ont dû me fliquer depuis un bail.

« Les deux, choisit-elle faiblement.

— Qui est l'homme au chapeau à côté de moi ?

— Kenny Ackerman.

— Qui est-ce ?

— C'est... l'oncle, et l'ex-tuteur de Livaï.

— Il meurt comment ?

ᴘʀᴇᴍɪᴄᴇꜱ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7 ⌜ᵗᵒᵐᵉ ¹⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant