Sur la vague de nos sentiments

7. Pierre 1/2

Depuis notre retour de San Diego, les choses avaient changées. Jules et moi ne nous parlions plus vraiment, Heather et Nate s'étaient excusés d'avoir agi comme ça, Nora refusait de le faire. Hillary essayait de nous réconcilier comme à son habitude.

-Salut Kyle
-Pierre qu'est ce que tu fais là?
-Je suis au lycée. Comme toi. Tu as oublié qu'on était dans la même classe?
Je souris amusé. Il est tellement timide que je ne peux pas m'empêcher d'en jouer.

-Si. Mais... Pourquoi tu n'es pas avec Jules et tous les autres? C'est tes amis non?
-Ouais. Mais c'est compliqué en ce moment. Y a plus grand chose qui va
-Et Hazel?
-Hazel a pété un plomb quand je l'ai quitté elle ne vient même plus au lycée...
-Je pensais que vous étiez invincibles
-Tu vois qu'on ne l'est pas.

J'ai les mains dans les poches de mon long manteau, j'essaye de dégager toute la nonchalance que je peux, mais, au fond, je suis blessé. Je ne peux même plus regarder mes amis en face et je me retrouve à demander de l'aide à Kyle.

-Tu ne m'apprecie pas beaucoup, je me trompe?
-Ce n'est pas que je ne t'apprecie pas. Je ne le montre pas c'est différent

Il sourit. Ses cheveux sont attachés en un petit chignon déstructuré. Il est mignon dans le genre intello.

-Mhm qu'est ce que tu veux?
-Reste avec moi et réintègre la bande quand ça ira mieux. Tu nous manques. Au moins tu temporisais
-J'ai plus rien à faire avec vous... Hillary m'a quittée
-Tu es notre ami. C'est genre normal que tu restes
-Tu me fatigues à être têtu Pierre
-Aller dis oui
-Ok. Mais va falloir que tu t'adaptes à la façon dont Carol râle tout le temps, au fait que Liza te trouve très très mignon et qu'elle fait des blagues foireuses, et aux sautes d'humeur de Will.
-Je ferais de mon mieux promis
-Alors bienvenue
-Merci Kyle
-Pas de soucis

-Les gars. Je vous présente Pierre un ami
-Tu nous présentes le gars le plus canon et le plus populaire du lycée et tu nous dis "c'est mon ami" tu crois pas que y a quelque chose qui cloche?

Ça doit être Liza. Une grande brune aux yeux sombres. Elle dégage un charme fou. Une sorte de charisme impressionnant, et ça me plaît plutôt bien. Je souris et baisse la tête. Avant de poser à nouveau mon regard sur la fille.

-Il fait quoi ici? Demande un garçon blond aux cheveux bouclés. Will sûrement.
-Je vais traîner avec vous quelques temps. Si ça vous dérange pas de problèmes. Je partirai
-Non c'est bon reste

Une seule et unique voix a parlé. Ils se mettent à rire de leur synchronisation. Et ça me permet de voir à quel point ils sont liés tous.

C'est comme ça que j'ai intégré leur bande. J'ai vu les autres, je les ai croisés dans les couloirs. Il n'y a qu'Hillary qui a à nouveau tenté de me persuader. Mais ça n'a pas fonctionné.

-Chat laisse tomber d'accord? C'est fini. Heather va vivre une magnifique histoire avec son premier amour. Jules de même. Nora et Nate sont individualistes, ils ne m'apprecient pas tant que ça.
-Tu dis n'importe quoi. Tu es juste mal parce que Jules t'a laissé tomber! Vous n'êtes rien l'un sans l'autre! Rien tu m'entends? Mettez vos putains de fiertés de côté parlez vous merde!

Elle est partie. M'a tourné le dos. Et a laissé derrière elle un doux parfum de miel.

-Kyle t'es vraiment sorti avec cette meuf?
-Carol s'il te plaît tais toi

J'étais juste devant Jules dans le couloir. J'avais envie de l'attraper par le col. De le plaquer contre le mur et de l'embrasser. Mais je ne pouvais pas. C'est interdit. Il s'est arrêté, s'est retourné, il a vérifié qu'il n'y avait personne et m'a emmené dans le même recoin que la dernière fois. Je me suis retrouvé dos au mur, Jules face à moi. Je n'arrive plus à respirer correctement, et j'ose enfin plonger mes yeux dans les siens.
Il s'approche, son front touchant presque le mien. Il se recule, finalement. Ses mains posées sur le mur de chaque côté de moi, m'empechant de bouger. Je ne dis rien, lui non plus. C'est si rare. Il finit par taper du poing sur le mur avant de partir. Me laissant là, tout seul.

J'ai toujours été du genre colérique, mais chez Jules c'est différent. C'est comme qui dirait ancré en lui. Il ne contrôle pas, jamais, et il s'en veut toujours après. Il est hanté par le regret, la culpabilité. Jules est un dominateur, il ne laissera jamais personne le commander, et pourtant, quand on le connait c'est vraiment quelqu'un de gentil, de drôle, il sait être quelqu'un de bien. Après tout, on s'est tous un jour fait rattrapés par la réalité, par notre vraie personnalité. On tente toujours de la cacher, de faire de notre mieux. En fait, je crois que j'ai toujours été quelqu'un d'instable, contrairement à Jules, qui a toujours fait des efforts pour ne pas tomber dans la même spirale que moi. 

Je n'ai pas bougé de contre le mur, je me laisse glisser contre lui, je ne peux bientôt plus retenir les larmes. Elles coulent le long de mes joues, silencieusement, doucement, comme si elles ne voulaient pas vraiment me déranger. Elles ont très vite dévalées le long de mon cou, mouillant le col de mon sweat Levis. Je n'ai pas bougé de ce couloir pendant des heures, ne sachant que faire, qu'est ce que je voulais dans le fond? Personne ne s'est inquiété, personne ne m'a cherché. Je suis rentré à l'internat sans prendre la peine de prévenir qui que ce soit. J'avais eu le temps de compter le nombre de carreaux qui recouvraient le sol du couloir, j'avais pu entendre toutes les heures de cours se terminer et les élèves sortir, joyeux, d'autres blasés. J'ai même entendu Heather et Nora rigoler, j'ai reconnu leurs rires, j'ai toujours aimé m'en moquer. 

Je me suis allongé dans mon lit, ne prenant même pas la peine d'enlever mes converse. Marlon, mon coloc n'allait pas tarder à rentrer, mais au point où j'en étais, je n'en avait plus rien à faire. 

-Putain Pierre qu'est ce qu'il t'arrive?! 

Marlon avait un an de plus, il avait redoublé son année, il était plutôt sympa, mais je ne le voyais pas beaucoup, il était tout le temps en soirée, où à la bibliothèque en train de travailler. Marlon faisait partie des populaires l'année dernière, il sortait avec un mec qui s'appelait Timothy, personne n'avait jamais osé les emmerder, d'abord parce que Timothy faisait parti d'un gang, son père était américain et sa mère une brésilienne. Il était impressionnant, il faisait peur aux autres. Ensuite parce que Marlon était intouchable, il pouvait détruire une réputation en un clin d'œil, et ça, personne ne voulait prendre le risque de se faire détruire. Je le connaissais aussi très bien parce que c'était le frère d'Hazel. 

-Pierre répond moi por favor! 

J'ignorais qu'il parlait Portugais, c'est sûrement sa mère qui lui a appris. Hazel n'en parle pas un mot, c'est pour ça que je suis étonné. 

-C'est rien 

Je ravale mes larmes et me tourne dos à lui afin qu'il comprenne qu'il ne faut pas m'embêter, qu'il faut qu'il lâche l'affaire 

-C'est à cause de Jules n'est ce pas? C'est pour lui que tu as quitté Hazel? 

Sa question me fige, je ne bouge plus. Je me retourne vers lui, les yeux bouffis à force d'avoir trop pleuré. Ca ne m'étais jamais arrivé de tant pleurer, jamais pour de telles raisons non plus, mais tout était différent, et ça me brisait un peu plus chaque jour. 

-Ferme là Marlon! Si c'est Hazel qui t'a dit que je l'avais quitté parce que je m'étais engueulé avec Jules parce que je la trompais, non ce n'est pas la vérité 

-On la connait tous les deux cette vérité Pierre. Viens, je t'emmène boire un verre, ça ira mieux après 

Je me suis changé, et nous avons quitté notre chambre tous les deux, des tonnes de questions me brûlant les lèvres.