3. Pierre

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Deux semaines. Deux semaines et rien n'a changé. On ne s'adresse plus la parole et ça nuit à la bande. Tout le lycée en parle déjà. Pierre Rhodes et Jules Dawson les deux garçons les plus canons du lycée ne sont plus amis! Connards. J'avance rapidement dans les couloirs, je n'entend pas la personne derrière moi qui me fait bifurquer vers un couloir toujours vide. Qui oserait le faire? Kyle? Nate. Putain Nate. Il va...
Je reconnais cette odeur entre mille. Elle lui appartient. C'est son parfum je le sais. J'enlève mes écouteurs où Nirvana terminait à peine le refrain de Rape me.

-Tu me manques putain Pierre!
-Ah ouais je te manque?
-Évidemment. Tu es mon meilleur ami!
-On embrasse pas son meilleur ami
-C'est toi qui m'a embrassé le premier

Il a raison. Et c'est moi qui fait la gueule. Pour quelque chose que j'ai provoqué.
-Ok je suis désolé pour ça
-Tu n'as pas à t'excu... Non mais je rêve! Pierre! Putain! Tu t'es excusé! C'est la première fois!
-Ta gueule Jules je te jure que tu...

Je n'ai pas pu finir. Ses lèvres se sont posés sur les miennes. Il l'a fait exprès. Il voulait juste me faire taire. Je le repousse contre le mur. Mon poing serrant le col de son T-shirt Yves saint Laurent. Sa respiration se coupe. J'y ai été trop fort. Encore. Mes yeux ne quittent pas ses prunelles marron. C'est finalement à mon tour de l'embrasser. Plus doucement qu'il ne le fait jamais. Je me décolle de lui, prenant conscience qu'on est au lycée, et qu'il y a forcément des gens qui passent dans ce couloir.
Il me regarde. Visiblement amusé.

-Pierre?
-Quoi?!

J'ai haussé le ton, mes poings sont de nouveau serrés. Je ne contrôle jamais ma colère. Et ça en devient insupportable.

-T'es vraiment canon

Je soupire et me mord l'intérieur de la joue pour ne pas le frapper. Je le sais, je ne pourrais pas retenir ma colère.
Je pars le premier, le laissant là, avec ses doutes et ses certitudes.
Rien ne va depuis cet après midi où j'ai perdu mes moyens. Je pensais lui faire une blague. Lui faire vraiment peur et le relâcher une fois que son dos aurait touché le mur. Mais contre toute attente j'avais eu l'irrépressible envie de l'embrasser.
Première réaction de ma part "putain je lui fais vraiment peur". Seconde "bordel je veux l'embrasser. Là maintenant".
Je m'en suis voulu. Tout de suite après. J'étais soulagé qu'il ne m'ait pas repoussé. Ensuite, qu'il m'embrasse à son tour. Ça voulait dire qu'on était amis depuis tout ce temps et qu'on avait jamais connu cette part de l'autre. C'était étrange, mais ça me donnait envie de le découvrir. Encore plus. Ce monde caché et interdit. Parce que c'est bien connu, on fait toujours ce qui est interdit.
C'est Vendredi aujourd'hui, ce qui veut dire que la bande va me demander de sortir, et que je vais refuser. Encore. Alors, Heather et Hillary vont débarquer, avec un film et du pop corn. Elles s'endormiront de chaque côté de moi, on se réveillera tous les trois à intervalles différents et on va se rendormir. C'est ma mère qui viendra nous réveiller après avoir pris une photo. Parce que ça lui rappelle "quand vous étiez petits", sauf qu'Hillary a pris la place de Jules. Hillary qui normalement dormait à la droite d'Heather. Dans un lit King size nous dormions à 4. Je m'y retrouve maintenant seul. Et j'ai peur de les perdre. Bien plus que perdre ma propre vie.
À la fin de cette journée de cours atroce où j'ai eu trois contrôles à la suite, je suis passé à l'internat prendre ma valise. J'ai récupéré Heather qui ne voulait pas rentrer avec Jules et Hillary parce qu'elle ne voulait pas me laisser tout seul. Ça m'a fait sourire.
Elles ont allumé la radio, ont crié leurs poumons en chanson. Mon téléphone vibrait. J'ai demandé à Heather de décrocher. Hil' a baissé la musique, et Heather a crié en voyant le nom sur l'écran.

-Jules? Quoi? Non Pierre va pas bien du tout il est anéanti parce que Mufasa vient de mourir. Ouais nan t'inquiète. Ouais on gère. Nan tu te ramènes pas ce soir c'est soirée filles. Enfin soirée filles avec Pierre. Ouais. Ouais bonne soirée et laisse pas Nora boire de trop. Oui je t'aime. Je transmet à Pierro. Bisous mon coeur

Hillary éclate de rire alors que je me gare dans l'allée du manoir de chez moi.

-Heather tu mens si bien!
-Je sais je m'entraîne depuis des années!

Elles rigolent ensemble et ça me remonte déjà le moral.
Rosaliah est dans l'entrée et Heather la sert dans ses bras. C'est comme ça depuis qu'on est petits. Elle fait partie de notre famille, elle, son mari, et Maria leur fille qui a maintenant vingt deux ans.

-Monsieur Ylian est dans le salon avec madame votre mère
-Yliaaaaaaaan!
Je n'ai jamais vu ma soeur courir si vite. Hil' reste en retrait, et on sait tous pourquoi.

-Comment allez vous madame Hillary vous êtes toute pâle!
-Ça va Rosa ne t'inquiète pas

Ylian, notre grand frère est là, devant nous, tout sourire.

-Alors comment vous allez les mômes?
-Les mômes tu es sérieux? Tu n'as que cinq ans de plus!
Il rigole et se fige lorsque ses yeux s'arrêtent sur Hillary.
De la quatrième à la seconde ils sont sortis ensemble. C'était l'amour fou. Leur différence d'âge avait un peu dérangé nos parents mais Hillary était une fille bien et elle avait très vite été adopté.
Mais ensuite il était parti à l'autre bout du monde et Hil' a été inconsolable pendant des mois. Elle croyait qu'Yl était l'amour de sa vie, et il l'abandonnait. Elle l'a mal pris et s'est relevée, Kyle est arrivé et elle s'est jetée dans ses bras, personne ne pensait que ça allait durer.

-Hil...
-Salut Ylian

Elle est gênée. Lui aussi. Heather est assise sur le fauteuil de cuir et je suis debout face à eux d'eux qui se dévorent des yeux. Finalement, Hillary se jette dans ses bras. Il est d'abord surpris, puis, il lui embrasse le haut du crâne, marque d'affection. Elle pleure. Je fais signe à Heather de quitter la pièce discrètement, et après avoir eu la certitude que j'allais bien, elle est sortie avec les autres. Mais j'avais menti, bien sûr que ça n'allait pas. J'étais dévasté. J'étais coincé entre deux dilemmes, continuer à vivre une histoire qui ne me correspondait pas où alors vivre une histoire difficile que je n'étais pas prêt à vivre. La sonnette retentit et Rosaliah est plus rapide que moi. Jules se tient dans le vestibule de chez moi, et je n'arrive pas à éviter le regard scrutateur de Rosa, je suis sûr qu'elle sait. Rosa sait toujours tout avant tout le monde.

Sur la vague de nos sentiments Où les histoires vivent. Découvrez maintenant