24. Jules

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Nous sommes déjà au milieu du mois de Décembre. Le froid me gifle le visage et je ne peux m'empêcher de fermer ma veste.
Ce soir, nous dinons en famille, ce n'est pas arrivé depuis plusieurs semaines et j'en suis heureux.
Lorsque j'arrive, Pierre sort déjà de l'internat. Il me rejoint et me lance un petit sourire. Il a de grands cernes sous les yeux, il est encore en T-shirt et je ne peux m'empêcher de faire autrement que de lui donner le pull que j'avais en dessous de ma veste.

-Je ne vais pas mourir. Il fait bon
-Prends

Il se moque de moi avant d'enfiler mon sweat. Un peu grand pour lui.

-Arrête de fumer putain
-Ça me détend
-Tu pourrais trouver un autre calmant
-Mhm
-Tu détruis ta santé
-C'est toi qui me fait la morale là dessus

Il ne répond pas. Blessé. Je m'excuse en glissant ma main libre dans la sienne, discrètement. Il retire sa main et me regarde furieux.
Je ne dis rien et m'en vais pour mon cours de maths. Le laissant aller en physique.

-Coucou chat!
-Hey Hil'
-Comment ça va ce matin? On vous a attendu à la cafet'!
- Ça va et toi? Ouais on s'est un peu quitté fâchés
-Encore?!

Je souris faiblement, un peu triste, et nous entrons en classe.
Les heures me semblent terriblement longues. C'est pourquoi je cherche à trouver des excuses pertinentes pour Pierre.
Je vais lui écrire une lettre comme je sais si bien le faire depuis toujours. Comme on a toujours fonctionné parce que parler nous fait plus de mal et les mots sont plus simples.

《Pierre. Encore des mots. Parce que l'un comme l'autre on ne sait pas faire autrement. On ne veut jamais blesser l'autre de vive voix. Ça ferait trop mal, il y aurait trop de dégâts. Mon ange si tu savais comme je t'aime. A la soirée d'Heather, je m'excuse de m'être énervé contre toi. Excuse moi d'avoir osé lever la main trop haut.
Toi aussi tu ressens cette frustration énorme lorsque qu'on voudrait mais que l'on ne peut pas pas vrai? C'est insupportable. Je te jure que je vais essayer de trouver une solution rapidement pour que l'on soit ensemble. Est ce qu'il y a un an tu pensais que c'était possible? Tu crois qu'on en serait là si tu ne m'avais pas embrassé? Si j'avais pas joué en reccomençant?  Je veux juste m'excuser pour ce matin. Je ne le pensais pas. C'est sorti tout seul... Je sais que tu fais des efforts pour t'en sortir. Je le sais parce que ça fait longtemps que je te vois avancer près de moi. Et s'il faut recommencer, je me battrai avec toi. Je te le promet. Je ne te laisserais jamais tomber. Je suis vraiment désolé. Jules.》

Hillary pose sa main sur la mienne pour m'arrêter.

-Raconte moi
-Je lui ai dis qu'il se détruisait et qu'il ne faisait pas d'effort pour s'en sortir
-Tu abuses
-Je sais
-Tu t'enerves aussi vite que lui c'est impressionnant
-Mhm
-Vous êtes terriblement méchants quand il s'agit de vous même. Mais vous êtes tellement protecteurs l'un envers l'autre...
-Arrete Hil'...
-J'ai raison. Alors tu lui donneras cette lettre. Tu t'excuseras en plus et ça ira
-Je ne sais pas Hil'...
- Ca ira. Pierre t'aime. Et tu l'aimes. Ça ne pose de problèmes à personne

Je rigole amèrement avant de penser à mes parents. Pourrais je profiter de ce dîner pour leur dire que finalement c'est de Pierre dont je suis amoureux? Que non je n'aime pas les garçons. C'est juste Pierre...

À la fin de la journée je le rattrape avant qu'il n'entre à l'internat.

-Hé... Faut qu'on parle
-J'ai pas envie
-Ecoute Pierre. Je suis désolé. Je sais que je t'ai fais du mal. Que tu aurais bien voulu ne pas retenir ton poing. Et  je sais que nous deux c'est assez compliqué comme ça mais justement...
-Jules. Tais toi d'accord? C'est oublié c'est bon. Juste que... Tu as raison... J'ai l'impression de vivre en enfer
-Ça va s'arranger. Je te le promet Pierre. Ce soir je dîne avec mes parents mais si tu veux demain on peut peut être rester ensemble?
-C'est une mauvaise idée
-Ouais tu as raison... A plus tard alors. Prends soin de toi

Je vais vers ma voiture où Heather et Hillary doivent déjà m'attendre.

-Hé Jules. Toi aussi.

Je souris sans me retourner. Lorsque j'arrive sur le parking Hil et Heather sont déjà adossées contre ma jolie voiture. Je leur ouvre et Hillary se précipite à l'arrière. Je souris et Heather monte à l'avant.

-T'étais avec mon frère? Sourit avec malice Heather
-Oui
-Vous vous êtes embrassés? Demande Hil
-Non
-Pourquoiiii? Demandent les deux filles en me regardant. Je sers le volant en regardant droit devant moi
-Parce que. On peut pas
-Comment ça vous pouvez pas? C'est votre nouvelle lubie? Non mais sérieusement y a que vous pour vous fixer des limites
-Quoi?
-Mais y a quoi de bizarre à embrasser la personne qu'on aime?
-C'est pas ça
-Alors fais nous partager!
-Je peux pas

Elles ne répondent rien, sachant pertinemment que sinon je vais me refermer comme une huître.
Je dépose Heather chez elle. Puis Hil monte à l'avant. Elle me regarde de ses grands yeux verts avant de soupirer.

-Jules pourquoi vous continuez à vous faire du mal?
-C'est comme ça
-Non. Vous avez peur c'est tout
-C'est pas ça non. Je peux pas t'en parler. Je le ferais en temps voulu. Excuse moi.

Elle fronce les sourcils et s'enfonce dans son siège. Elle ne dit rien. Même pas quand on arrive. Elle claque ses lèvres contre ma joue avant de rentrer chez elle.

Lorsque je rentre, mes parents sont là. Ils me serrent contre eux. Ça faisait longtemps qu'on avait pas passé un peu de temps ensemble.

Il est vingt heures lorsque nous nous asseyons pour le dîner. En compagnie d'Alberto et de Marysole.
Tous les cinq à table. Comme avant.

-Jules, il faut qu'on te dise. Tu vas devenir grand frère... Ton père et moi attendons un heureux événement. Une fille!

Ma mère sourit et je cligne plusieurs fois des yeux avant de réagir.

-Félicitations! Repondent calmement Mary et Al

-C'est génial! Je répond finalement, les larmes aux yeux.

Je les prend dans mes bras avant d'appeler Pierre, une fois la table débarrassée.

-Pierre? Je te réveille pas?
-Non
-Je suis heureux
-Ah?
-Je vais avoir un petit frère!
-C'est génial
-Pierre?
-Oui?
-Ça ne va pas?
-Si si
-Raconte moi
-J'ai rien à raconter
-Pierre arrête de jouer sur les mots
-Je suis épuisé Jules
-Va te coucher
-Je peux pas... J'y arrive pas...
-Pierre écoute moi. Il ne peut rien t'arriver d'accord?
-Jules...
-J'arrive...
-Non. Je ne t'ai pas demandé de venir
-Et j'en ai rien à foutre. Je viendrais quand même

Lorsque je suis arrivé à l'internat, Pierre dormait. Il s'était endormi avec ma voix au téléphone. Et... Il avait gardé mon sweat, ce qui m'a fait sourire.  Alors moi, en pyjama, je me suis glissé contre lui, et je l'ai serré fort contre moi. J'ai promis de toujours être là. Et si ma présence peut lui permettre de dormir normalement, alors je ferais en sorte de ne jamais le laisser.
Même si le lit une place est soudainement trop petit pour nous deux, ça me permet de le tenir plus près de moi. Je peux même entendre le rythme de son coeur, régulier, calme. Et dire que l'on ne s'est rendu compte de rien avant cet été...
Mes yeux se ferment finalement, rejoignant Pierre au pays des rêves, mon nez frôlant sa nuque.

Sur la vague de nos sentiments Où les histoires vivent. Découvrez maintenant