28. Abandon

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Dès que j'ouvre les yeux je sais que je vais le regretter. Même avec les yeux de Zapel je peux voir sa peur et toute son incompréhension.

Nous sommes perdus dans le regard l'un de l'autre. Je sens naître à l'endroit où se situe mon cœur comme une pression, comme si une partie de ce dernier ce scindé et forcé pour rejoindre le sien. Cette sensation est troublante, profonde mais pas douloureuse pour autant.
Le temps semble s'arrêter et une sensation de plénitude totale me prend. Cette même sensation que j'ai ressenti quand j'ai plongé dans ses yeux le jour de la rentrée.

Une seconde peut être dix mille, j'admire ses deux prunelles de couleurs différentes avec les yeux de mon alter-ego. L'expérience est identique mais à la fois totalement nouvelle. Elle est si belle, elle est parfaite. Je pourrais passer ma vie ainsi : assis sur ce lit avec elle près de moi.

J'avance ma main prudemment vers elle, j'ai toujours mon esprit focalisés sur son visage. Mais ce n'est pas le cas de Beth. Elle perçoit le mouvement de mon bras et avant que la paume de ma main ne l'effleure elle se recule.

« - Non, dit-elle la voix tremblante. Ne me touche pas. »

Je suis sidéré, pour le coup je ne bouge plus du tout. Il me semble même que mon cœur s'est arrêté de battre.
Serait-elle entrain de me rejeter ? De nous rejeter ?
La douleur dans ma poitrine et le gémissement de lamentation de Zapel me le confirme.

Alors, résigné je baisse mon regard et reprends mon apparence totalement humaine. Avant qu'elle ne prononce les mots qui m'achèverons à coups sûrs je me relève. Debout au pieds de mon lit je n'ose plus la regarder. Pendant que Zapel continuer de gémir dans mon esprit je lâches :

« - Lucie et Amanda t'apporteront des affaires pour que tu puisses t'habiller et elles te ramènerons chez toi. »

-Bien, nous nous occupons d'elle. Me réponds Lucie.

« - oui s'il te plaît. Je préférais rentrer chez moi, me murmure Beth. »

Je m'éloigne résigné, mais je ne peux pas m'empêcher de la regarder une dernière fois quand je passe le pas de la porte. Elle a l'air effondré, les yeux que se remplissent de larmes.
Je dois la laisser partir, sinon elle m'en voudra pour toujours.

« -non n'abandonnes pas humain, hurle le loup.
-qu'est ce que tu veux que je fasses, elle ne veut visiblement pas de nous.
-reste ! Fais la rester ! Continue-t-il.
-pour qu'elle nous regarde comme un monstre ? Avec des yeux pleins de dégoût ? Tu veux qu'elle nous détestes ? Ou pire, même, qu'elle est peur de nous ? Je m'emporte.
-Au moins fais quelque chose.
-non. Je ne sais plus quoi faire pour l'instant. »

Quand je sors dans le couloir je croise mes deux amies. Les deux louves ont un air de compassion mêlé de pitié sur le visage. Alors que j'ai envie de leur crier dessus tout ce que cela m'inspire je n'ai que de la fatigue et du désespoir dans en réserve. Je finis par seulement leur demander de prendre soin de Beth avant de les laisser.

Je déambule dans la maison comme une âme en peine. Alors que d'habitude elle est remplie de joie, d'exaltation et de bruits. La bataille avec l'autre meute et le rejet de Beth la laisse silencieuse et morne.

J'arrive ainsi jusqu'à la pièce à vivre. Bien sûr Théo et Riley m'attendent. Eux aussi me regarde comme si j'étais un animal blessé. Avant qu'ils ne me mettent encore une fois au pieds du mur en me disant que tout finira par s'arranger je leur indique que je sors.

« -on vient avec toi, commence Riley.

-tu n'es pas en état de sortir seul, ajoute Theo. »

C'est la dernière chose que je souhaite. J'ai besoin d'être seul, au moins un instant. Digérer ce qui vient de se passer, et me défouler de toute cette colère qui me remplie. Je n'ai pas envie que mes deux meilleurs amis me voient aussi fou et mal en point.

« -Je préfère être seul.

-Mais... commence l'un d'eux.

-ce n'était pas une suggestion! Je commence à m'énerver.

-Très bien Alpha, c'est toi qui vois, soufflent-ils. »

Je m'apprête à franchir le seuil quand j'entends la porte au fond du couloir s'ouvrir. Les poids de trois personnes qui marchent sur le parquet m'indique que les filles sont sur le point d'entrer au salon. Ce qui veut dire revoir le visage de Beth, et même si une partie de moi souhaite à tout prie le voir j'abaisse la poignée de la porte d'entrée.

« -on se retrouve au lycée demain. »

Sur ces quelques mots je sors sur le perron et avant même d'avoir fait trois pas je suis en l'air en train de me transformer en loup. Dans un bond extraordinaire mon corps humain laisse place à celui de mon alter-ego.

Je n'ai jamais été aussi heureux de pouvoir analyser le monde comme un animal.
Aurevoir peine et bonjour adrénaline.

La forêt garde ses secrets Où les histoires vivent. Découvrez maintenant