Rêve Africain - En Pause

Chapitre 28

Retour au présent

Sessi
Sur le chemin du retour, Dossi ne m'a pas adressée la parole. Je sentais qu'elle était mal à l'aise avec nous dans la voiture. Elle a passé son temps à regarder derrière et à se ronger les ongles. Je peux la comprendre. Si elle a rencontré Tundé c'est normal qu'elle réagisse ainsi mais quand même.
D'ailleurs. En parlant de Tundé. Je croyais m'être débrouillée pour qu'il croupisse en prison. Je reste là à mijoter toutes ces informations dans ma tête quand j'ai un déclic. Je lève la tête et regarde Dossi. Ses blessures ne sont pas fraîches mais elles sont récentes je dirais une semaine environ. Mais attendez. Si c'est Tundé qui a fait ça, cela signifie qu'il n'est plus en prison.

-"Putain de bordel de merde. Fais chier." Je chochotte tout bas.

Je comprends l'angoisse de Dossi. Mais pourquoi regarde-t-elle derrière depuis notre départ de l'aéroport. Je décide alors de jeter un coup d'oeil et je remarque une voiture qui nous colle au train. Pffff. C'est juste la voiture de sa mère pourquoi s'inquiéter ? Mais après quelques secondes de réflexion, je me souviens que la voiture de madame Senan était devant nous.
Après avoir traversé le pont de Porto-Novo, nous avons pris l'alignement qui mène tout droit à la place Bayol. Je me suis retournée pour vérifier si la voiture était toujours derrière nous. Elle nous suivait de très prêt. L'angoisse de Dossi finit par m'atteindre et à se décupler même. Mes parents eux étaient silencieux et regardaient droit devant eux.
Arrivé chez Dossi, nous descendons tous des voitures et entrons dans la maison. Dossi continuait de regarder derrière elle comme si un fantôme la poursuivait. Moi je m'étais calmée car après avoir fait le tour de la place Bayol pour nous diriger vers l'assemblée nationale, la voiture avait disparu. Je me demande alors de quoi elle a aussi peur. Ou de qui ? Bref. Nous avons des problèmes plus importants à régler. Nous sommes dans le salon de madame Senan. Elle appelle les domestiques pour qu'ils ramassent les bagages de Femi et Jérémy. Elle nous fait tous asseoir ensuite. Et se met à questionner son fils. Questions habituelles : comment ça va ? Les études ? La copine ? La vie dans sa globalité ? Etc ... Puis viens le sujet que tous les autres attendaient avec impatience.

-"Comment as-tu connu Sessi et comment se fait-il que tu reviennes au pays avec elle et ton ami ?"

C'est alors le début d'un long récit  (cf chapitre 24, discussion entre Jérémy et Femi)
Jérémy a d'abord pris la parole, avec la permission des parents. Il a raconté tout ce qu'il savait de notre relation jusqu'au moment de sa perte de mémoire puis de son retour à la réalité. Femi a ensuite continué en parlant des événements qui ont constitué le trou de mémoire de Jérémy, l'altercation avec Lena. Il a enfin fini par l'interprétation de la situation selon son point de vue.

Ah. J'ai oublié de vous préciser comment Femi a pu si vite décoder la situation. Avant de partir aux USA pour continuer ses études, il avait passé 2 bonnes longues années à étudier les cultures endogènes, leurs pratiques et leurs interdictions. Vous comprenez maintenant comme moi sa perspicacité.

Tout le monde avait les yeux écarquillés. Ma mère n'en croyait pas ses oreilles. Mais elle avait quand même espoir que ce que disait Femi était faux. Elle se tourne donc vers moi. S'avance en étant agenouillée. Attrape mes vêtements tout en pleurant.

-"Sessi. Vitché. Dor nou mi dor é to adigban do wè. Kinklin. Dor nou mi dor mi min bi dé to fi to dror kou wè. Dor nou mi dor nouti dé Femi dor kou djor to gbè éhémin. Kinklin. Dor nou mi. Ovitché."
(Sessi. Ma fille. Dis moi qu'il ment. S'il te plaît. Dis moi que tous autant que nous sommes ici nous sommes en plein rêve  [ou cauchemar]. Dis moi que tout ce que Femi a dit ne s'est pas passé dans cette vie ci. S'il te plaît. Dis le moi. Mon enfant.)

Je reste indifférente à tout son manège. Je ne parle pas. Je fais semblant d'être loin loin, emportée dans mes pensées. Mes parents ont compris mon attitude. Ils savent que je réagis ainsi lorsque je suis en faute et que je ne souhaite pas reconnaître mes erreurs. A un moment j'esquisse un large sourire et je plonge mon regard dans celui de ma mère. Cette dernière se jette alors à terre et se frappe la poitrine.

-"Étè oun ka blo? Mahou. Étè oun blo nou wé? Bor vitché to Satani si alio wlé. Bo dor nou mi bo Jesu."
(Qu'est-ce que j'ai fait? Seigneur. Qu'est-ce que je t'ai fait ? Et mon enfant prend la route qui mène au Diable  [ou à Satan]. Dis le moi non Jésus.)

Ma mère est inconsolable. Elle déchire son bomba et se roule dans la poussière du sol. Madame Senan essaye de l'en empêcher. Mon père reste de marbre. Il a les bras croisés, une main portée à sa bouche et le regard perdu dans le vide. Jérémy me regarde avec dégoût. Femi est triste de voir mes parents dans cette position. Dossi elle par contre se sent totalement coupable. Elle s'agenouille devant mes parents et se confond en excuses pour ce qu'elle a fait. Tout cela m'amuse. Je pars donc dans un fou rire.

-"Hahaha. Vous êtes tous pathétiques. Tous autant que vous êtes. Hahaha hihihi hohoho."

Tout d'un coup il y a un bruit sec qui résonne derrière nous. Un lourd silence s'impose à nous. On tourne tous la tête vers l'endroit d'où venait le bruit. Là se trouvait une personne grande de taille. Avec des bras biens musclés. Une balafre au visage. Et vêtu d'un simple jean et d'un débardeur avec des baskets. J'écarquille de gros yeux et pousse un petit cri de terreur. Dossi elle est paralysée de peur. Les garçons se lèvent de leurs chaises.

-"Qui êtes vous ?" Lui demande Femi
-"Allons allons. On invite pas son beau-fils à la fête ? Hein monsieur Koffi ? Hahaha. "

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