Arrivée

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Cette vision pittoresque m'aurait presque fait oublier que je devais accomplir mon devoir si une clameur qui venait de la cité ne m'avait pas rappelé à l'ordre. J'ai donc quand même motivé mon palefroi et traversé le val, puis, étant arrivé au versant ouest de la citadelle qui n'avait pas d'entrée, j'ai fait le tour vers le nord.
J'arrivais sur une route pavée faite de la même roche qui composait les murailles, elle était légèrement dressée en pointe de sorte que l'eau ne stagne pas mais coule vers la vallée. L'asphalte, qui jointait les petites dalles entre elles, traçait un chemin qui poussait le regard à s'élever en direction des deux grandes lourdes portes, ouvertes vers l'intérieur.

Lesquelles étaient finement sculptés de cerfs racés chargeant des hommes recourbés et laids, au crâne dont leurs rares longs cheveux témoignaient de leur calvitie.

Quelques marchands d'Irnos sur des charrettes, des poissonniers probablement, étaient bloqués par un afflux de villageois. Ces derniers portaient un maximum possible de fagots et de cimeterres en bois sur leurs épaules et dans leurs bras, et sillonnant entre les chariots, ils rendaient leur manoeuvre impossible.

À pas un seul ne manquait une couronne de bois de cerfs trônant sur leur tête.

Mais la maison de justice était déjà à portée de vue et je sus que je ne connaîtrais jamais plus la paix de mon vivant à cause de tout les souvenirs inévitables que sa simple vue me remémorait. J'espérais trouver dans ce donjon, qui comme une excroissance, s'émancipait du pic rocheux à une douzaine de mètres de hauteur, des détails concernant le procès du bougre qu'on avait torturé...

Soudain un vagabond encapuchonné s'adressa à moi avec égriardise : « Hé Nirar ! Qu'est-ce qui t'amènes ? Tu n'es pas censé avoir été exilé à la "Maison" ? Il prononça ce dernier mot de manière un peu raillée, il était un peu roublard et se moquait souvent des préoccupations honorifiques traditionnelles ; il fait sans nul doute que face au jugement que j'ai subit, il aurait pris la mer. Cet homme là, Lorin, jamais fin mais attachant par sa naïve impunité, n'était autre qu'un cousin très proche de Nantis. Leur ressemblance que je n'avais jamais remarqué jusqu'à lors, me coupa le souffle, et faisait remonter comme une sorte de petite boule d'air se terrant au fond de ma gorge. Et comme je ne disais rien, il reprit en pestiférant ironiquement:
-Alors comme ça tu ne te souviens déjà plus de moi ?
-N... N...Nantis est mort, ai-je bégayé dans un ton qui se voulait froid pour ne pas subir moi-même, une trop forte charge émotionnelle. J'ai crû qu'il allait basculer à terre sous le coup de la nouvelle.

La foule s'est mis à ébulitionner, elle se mouva et Lorin fut noyé dans une marée d'hommes.

Nirar d'Ellis, Honneur d'un bourreau désignéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant